Un nouvel épisode se joue jeudi dans la saga de la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, avec un conseil d'administration d'EDF (PA:EDF) qui devrait se prononcer sur cette promesse phare de François Hollande, lors d'un vote au résultat toujours incertain.
Les membres du conseil d'administration de l'électricien auront en tout cas un comité d'accueil. A l'appel de l'intersyndicale CGT, CFDT, FO et CFE-CGC, les salariés de la doyenne des centrales françaises vont se mobiliser à Paris pour dire non à sa fermeture, qui serait préjudiciable à quelque 2.000 emplois directs et indirects.
Ils seront rejoints par des agents venus d'autres centrales nucléaires, à l'initiative de la CGT, pour un rassemblement à 12H00 place des Ternes à Paris, à deux pas du siège d'EDF. Au total, ce syndicat a assuré à l'AFP s'attendre à la présence de 500 à 1.000 personnes, dont environ 250 du Haut-Rhin.
Les six administrateurs salariés, sur les dix-huit membres du conseil, voteront d'ailleurs contre la demande d'abrogation d'autorisation d'exploiter la centrale.
Celle-ci requiert un vote à la majorité simple, et son issue dépendra donc de la position des six administrateurs indépendants, parmi lesquels le PDG Jean-Bernard Lévy dont la voix est prépondérante en cas d'égalité.
- Royal met en garde -
En effet, en situation de conflit d'intérêts, les six représentants de l'Etat ne se prononceront pas, puisque le groupe est détenu à 83,10% par des capitaux publics.
Si le risque d'un vote défavorable est jugé trop important, l'Etat pourrait décider de retirer le sujet Fessenheim de l'ordre du jour, indiquaient plusieurs sources proches du dossier mercredi.
Déjà, l'approbation du conseil sur l'indemnisation d'environ 489 millions d'euros (assorti d'une éventuelle compensation pour le manque à gagner jusqu'en 2041) que versera l'Etat à EDF pour fermer la centrale, avait été obtenu de justesse en janvier, grâce à la voix prépondérante du PDG.
"Un seul administrateur indépendant peut faire basculer le vote", résumait à l'AFP une source proche du dossier.
Or, certains d'entre eux s'interrogent sur l'opportunité d'engager avant l'élection présidentielle une procédure de fermeture - réclamée depuis des années par les écologistes - alors que les candidats sont partagés sur la nécessité de fermer l'installation, ont indiqué plusieurs sources au fait des discussions.
Mercredi soir, la ministre de l'Energie Ségolène Royal est montée au créneau pour les mettre en garde, alors que certains "seraient tentés de remettre en cause leur décision du précédent conseil d'administration pour ajouter de nouvelles conditions", a déclaré Mme Royal à l'AFP, inquiète d'un nouveau retard dans la prise du décret qui mettra fin à l'autorisation d'exploiter la centrale.
En approuvant le protocole d'indemnisation d'EDF pour la fermeture de la centrale en janvier, les administrateurs avaient en effet, selon un communiqué du groupe, "subordonné" la présentation de cette demande d'abrogation d'exploitation de la centrale à seulement trois conditions, qui ont toutes été remplies.
- nouvelle condition ? -
Mais désormais, un nouveau scénario a émergé qui accorderait une nouvelle marge de manoeuvre à EDF et serait censé "convaincre les administrateurs", a indiqué une de ces sources au fait des discussions à l'AFP.
La centrale alsacienne ne fermerait pas si la capacité de production nucléaire française était amenée à baisser en dessous du plafond prévu par la loi, par exemple dans le cas d'une indisponibilité d'un réacteur sur une longue durée.
La loi sur la transition énergétique plafonne en effet les capacités de production nucléaire à leur niveau actuel de 63,2 gigawatts. C'est d'ailleurs pour cela que l'arrêt des deux réacteurs de Fessenheim doit en principe intervenir au moment où l'EPR en construction à Flamanville doit entrer en service, soit à l'horizon 2019.
Si le conseil d'administration donne jeudi son feu vert la demande d'abrogation d'exploiter Fessenheim, cette nouvelle étape vers la fermeture de la centrale aura lieu exactement quarante ans après le "premier couplage de la première unité de la centrale, le 6 avril 1977".
Ce serait "une preuve de mépris inadmissible" pour les agents et salariés du site, pointe la CFE-CGC.