par Elizabeth Pineau
PARIS (Reuters) - Emmanuel Macron est en passe d'achever la conquête du pouvoir en obtenant à l'Assemblée nationale une majorité pour appliquer son programme de réformes, avec une opposition qui semble déjà résignée à faire de la figuration pendant cinq ans.
A la veille du premier tour des législatives, dimanche, tous les sondages annoncent un raz-de-marée pour le parti présidentiel, qui pourrait allègrement dépasser les 289 sièges d'une majorité absolue synonyme d'action rapide pour le pouvoir, déterminé à légiférer par ordonnances dès cet été.
"La question que les Français doivent trancher (...) c’est : est-ce qu’ils veulent donner au président de la République et au gouvernement qu’il a nommé une majorité le mettant en mesure de lancer cette opération de redressement du pays ?", a déclaré vendredi sur Europe 1 le Premier ministre Edouard Philippe, homme de droite devenu chef d'une majorité d'un genre inédit.
Les législatives, "c'est stop ou encore", avait dit mercredi Emmanuel Macron en conseil des ministres.
Depuis 1981, tous les présidents ont obtenu une majorité à l'Assemblée lors des législatives suivant leur élection.
Mais dans l'histoire récente, il faut remonter à 1993, avec l'élection de 458 députés de droite contre 52 socialistes à peine, pour voir un rapport de forces similaire à celui prédit pour La République en marche, qui aurait jusqu'à 400 députés.
"Tout se passe dans la grande tradition française de l'homme providentiel, autour d'un homme paradoxalement au centre plutôt qu'à droite", a dit à Reuters Gérard Grunberg, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique.
"Les gens pensent qu'il faut changer, lui donner sa chance, que les partis de gouvernement ont échoué, que c'est très bien de vouloir gouverner ni à gauche ni droite, et que ça rend sa grandeur de la France."
"MAJORITÉ ÉCRASANTE"
Dans les partis traditionnels, on insiste en cette fin de campagne sur les projets controversés du gouvernement - fiscalité, réforme du Code du Travail - et les dangers d'une majorité trop forte, synonyme d'opposition aphone.
François Baroin, le chef de file des Républicains, divisés et promis aux seconds rôles avec une centaine de députés contre 199 actuellement après s'être vus au pouvoir il y a quelques mois à peine, a déclaré vendredi qu'il refusait de "faire le deuil avant la fin de la partie".
Mais il a admis sur RTL que l'on s'orientait vraisemblablement vers une "domination hégémonique". "Je ne crois pas que ce soit une bonne chose pour le président de la République et je ne pense pas que ce soit sain pour le débat démocratique pour les cinq années qui viennent", a-t-il dit.
Au Parti socialiste, majoritaire pendant cinq ans, on s'attend au pire, avec quelques dizaines de députés au plus.
De l'ancien Premier ministre Manuel Valls dans l'Essonne au candidat socialiste à la présidentielle Benoît Hamon dans les Yvelines, tous les ténors d'hier sont menacés.
Au Front national, pourtant qualifié pour le second tour de l'élection présidentielle, le risque est grand de ne pas disposer des 15 députés nécessaires pour former un groupe à l'Assemblée. Même si Marine Le Pen, candidate dans le Pas-de-Calais, pourrait l'emporter.
Même souci à La France insoumise, qui pourrait peiner à traduire en députés les 19,6% des voix recueillies le 23 avril par Jean-Luc Mélenchon, lui-même en lice à Marseille.
DES NOVICES À L'ASSEMBLÉE
Même inconnus, les candidats LREM font de l'ombre à des personnalités établies comme Nathalie Kosciusko-Morizet, en difficulté dans la circonscription parisienne abandonnée par François Fillon, victime des "affaires".
Dans le nouveau paysage politique, des députés de LREM, pour beaucoup inconnus il y a peu, joueront les premiers rôles.
Benjamin Griveaux, candidat à Paris, est pressenti pour prendre les rênes du parti présidentiel lors de son congrès fondateur en juillet. Quant à Stéphane Travert, député de la Manche, il pourrait diriger le groupe LREM à l'Assemblée.
"Avoir des gens qui ne sont pas des apparatchiks et des professionnels de la profession politique, c'est une chance folle", considère le ministre des Relations avec le Parlement, Christophe Castaner. "Pour représenter la France, c'est bien de lui ressembler".
Il reconnaît toutefois "une difficulté technique" pour les néo-parlementaires, qui devront se familiariser avec le règlement intérieur de l'Assemblée et la fabrique des lois.
"Ils vont être très nombreux, ça va être compliqué", note Gérard Grunberg. "En même temps il y a des novices mais aussi des faux novices, des gens pas loin de la politique, qui avaient des responsabilités dans d'autres domaines."
L'ouverture de la XVe législature de la Ve République est fixée au mardi 27 juin à 15h00.
(Avec Simon Carraud et Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse)