par Nerijus Adomaitis et Tom Miles
OSLO (Reuters) - Le prix Nobel de la paix 2017 a été attribué vendredi à l'Ican, la campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires.
L'Ican est une fédération d'organisations non gouvernementales présentes dans plus de cent pays. Elle a vu le jour en Australie et a été officiellement lancée à Vienne en 2007.
"Nous vivons dans un monde où le risque d'utilisation des armes nucléaires est plus grand qu'il ne l'a jamais été depuis longtemps", a déclaré Berit Reiss-Andersen, présidente du comité Nobel norvégien. "Certains pays modernisent leurs arsenaux nucléaires et le danger que plus de pays se procurent des armes nucléaires est réel, comme le montre la Corée du Nord", a-t-elle ajouté.
L'Ican a eu le mérite d'"attirer l'attention sur les conséquences humanitaires catastrophiques d'un recours aux armes nucléaires" et elle est récompensée "pour ses efforts déterminants en vue d'obtenir un traité d'interdiction de ces armes", a expliqué Berit Reiss-Andersen.
Daniela Varano, porte-parole de l'Ican, s'est félicitée de cette reconnaissance des efforts fournis pendant de longues années par des millions de militants, tout particulièrement par les "Hibakusha", les survivants des bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki en août 1945. "Leur témoignage a été essentiel", a-t-elle souligné.
Dans un communiqué, l'Ican dit sa "fierté" et parle d'un "grand honneur" récompensant les efforts qui ont abouti le 7 juillet dernier à l'adoption par 122 pays du Traité de l'Onu sur l'interdiction des armes nucléaires, même si des puissances disposant de ce type d'armes comme les Etats-Unis, la Chine, la Russie, la France et la Grande-Bretagne sont restées à l'écart des négociations.
"DES ANNÉES D'EFFORTS"
"Nous vivons un temps de forte tension mondiale, où une rhétorique enflammée pourrait aisément nous entraîner tous, inexorablement, dans une horreur indicible", poursuit l'Ican qui juge que le moment est venu pour toutes les nations "de proclamer sans équivoque leur opposition aux armes nucléaires".
La directrice générale de l'Ican, la suédoise Beatrice Fihn, s'est adressée après l'annonce du prix au président américain Donald Trump et à son homologue nord-coréen Kim Jong-un. "Les armes nucléaires sont illégales. Menacer de les utiliser est également illégal. Avoir des armes nucléaires et en produire est illégal, il faut donc qu'ils (Trump et Kim) arrêtent", a-t-elle dit.
Mercredi, sur Twitter, Beatrice Fihn avait traité Donald Trump de "crétin", reprenant une expression qu'aurait utilisée en juillet, selon NBC, le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson.
"Un homme 'accro' aux tweets peut prendre très rapidement des décisions irrationnelles sans tenir compte des avis de ceux qui savent. Cela porte un éclairage particulier sur ce que représentent vraiment les armes nucléaires", a-t-elle dit vendredi.
L'attribution du prix à l'Ican encourage les efforts en faveur d'un désarmement nucléaire au moment où les tensions sont exacerbées entre les Etats-Unis et la Corée du Nord sur ce sujet et où l'avenir de l'accord sur le programme nucléaire iranien est incertain.
Donald Trump a estimé que cet accord avec l'Iran était "le pire jamais négocié" et des responsables de l'administration américaine ont indiqué qu'il devrait prochainement annoncer qu'il ne proroge pas cet accord.
Interrogée par Reuters, Berit Reiss-Andersen a souligné pour sa part que l'accord sur le nucléaire iranien était quelque chose de "positif". "L'Iran n'a nullement brandi la menace ces derniers temps de recourir à l'arme nucléaire, tout au contraire", a-t-elle dit.
Le prix Nobel de la paix, doté de neuf millions de couronnes suédoises (près d'un million d'euros), sera remis à Oslo le 10 décembre.
(Rédaction d'Oslo; Pierre Sérisier et Guy Kerivel pour le service français)