Bruxelles a proposé mercredi une réforme des règles d'importations des OGM pour faciliter leur entrée dans l'Union, en échange de la possibilité pour les Etats de bannir leur utilisation, fâchant à la fois les Etats-Unis, l'industrie et les anti-OGM.
Le projet reflète la volonté du président de la Commission, Jean-Claude Juncker, de mieux "prendre en compte les préoccupations" des Etats et citoyens européens, a souligné la commissaire Margrethe Vestager lors d'un point de presse.
Mais l'exécutif européen a fait l'unanimité contre lui. Les industries OGM et agricole ont dénoncé un obstacle aux affaires et les défenseurs de l'environnement ont accusé Bruxelles de s'exonérer de ses responsabilités.
Le représentant américain au Commerce, Michael Froman, s'est fendu d'un communiqué pour exprimer sa "vive déception". "Proposer ce genre d'action restrictive en matière de commerce n'est pas constructif" alors que les Etats-Unis et l'UE négocient un vaste traité de libre-échange, a-t-il déclaré.
La réforme maintiendrait le système actuel, qui contraint la Commission à ouvrir le territoire européen aux importations d'OGM en l'absence de majorité de blocage des Etats si l'Agence de sécurité alimentaire conclut qu'ils sont sans risque.
Mais Bruxelles veut permettre aux Etats de refuser l'utilisation d'OGM sur leur territoire s'ils invoquent "des motifs légitimes".
L'UE a avalisé le mois dernier une réforme similaire pour l'autorisation des cultures OGM.
La proposition doit être négociée entre les Etats et le Parlement européen. Sans attendre, la Commission prévoit de débloquer les autorisations, en souffrance parfois depuis 2013, de 17 OGM destinés au fourrage, selon une source européenne.
En vertu des règles actuelles, 58 OGM ont reçu l'autorisation d'importation dans l'UE, essentiellement pour l'alimentation animale. A chaque fois, l'exécutif européen a dû trancher, même en traînant les pieds, faute de consensus au sein des Etats (environ 40% pour, 35% contre et 25% abstentionnistes).
Selon les services américains, l'UE a importé en 2014 pour 3,1 milliards d'euros de produits OGM des Etats-Unis, d'Argentine, du Brésil et du Canada.
- 'Zizanie' -
Cinq organisations environnementales, dont Greenpeace et les Amis de la Terre, ont accusé M. Juncker de violer ses promesses d'une gestion plus démocratique du dossier des OGM face aux pressions des multinationales, au premier rang desquelles le géant américain Monsanto.
Greenpeace a pointé le risque "de sacrifier les intérêts des Européens sur l'autel de l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis". La Commission "sème la zizanie" pour "avoir les mains libres", a accusé l'eurodéputé Vert français, José Bové.
En face, la Biotech Crops Alliance a dénoncé, au nom des producteurs américains, une "fragmentation" du marché unique, laissant planer la menace de recours devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
"L'administration américaine a fait tous les étages à Bruxelles contre le projet", a confié à l'AFP une source proche du dossier.
Quatorze associations représentant l'agro-industrie européenne, dont la Copa-Cogeca, principal lobby agricole de l'UE, ont appelé au rejet de la réforme au vu de la dépendance de l'élevage européen envers le fourrage OGM et du risque de distorsions de la concurrence.
La question divise au sein même de la Commission, même si M. Juncker "a choisi de passer en force pour se débarrasser de la patate chaude", selon la même source.
Les commissaires socialistes français, Pierre Moscovici, et maltais, Karmenu Vella, jugent que le projet ne donne pas assez de garanties juridiques aux Etats choisissant de bannir l'utilisation des OGM, a-t-elle précisé. En face, la libérale suédoise Cécilia Malmström, chargée du Commerce, et le conservateur allemand Günther Oettinger sont contre toute possibilité d'exemption pour les États.
Une telle option serait "un casse-tête" pour nombre de gouvernements, écartelés entre leurs engagements environnementaux et le soutien aux filières consommatrices d'OGM, a souligné une source proche du dossier.