PARIS (Reuters) - Le gouvernement a annoncé vendredi qu'il envisageait de mettre en place une permanence des forces de l'ordre dans les établissements scolaires des quartiers les plus difficiles pour assurer la sécurité des enseignants et des élèves.
Les ministres de l'Intérieur, de l'Education nationale et de la Justice souhaitent renforcer leur coordination en réaction à la publication la semaine dernière d'une vidéo dans laquelle on voit un lycéen mettre en joue une professeure avec une arme qui s'est avérée factice.
L'agresseur présumé, âgé de 15 ans, a été mis en examen par un juge des enfants pour violence avec arme sur un enseignant dans un établissement scolaire, une mesure assortie notamment de l'interdiction de séjourner dans le Val-de-Marne.
Quatre autres jeunes de 15 et 16 ans ont été pour leur part mis en garde à vue jeudi, puis libérés dans la journée, après avoir menacé deux de leurs professeurs dans un lycée du Havre (Seine-Maritime) avec des armes en plastique.
"L'enjeu de protection, d'abord des élèves, des enseignants, mais aussi, au-delà, des personnes, la sanctuarisation de la classe, de l'établissement et des abords des établissements sont des combats que nous devons mener", a déclaré le nouveau ministre de l'Intérieur Christophe Castaner à la presse, aux côtés de ses deux homologues.
"Nous avons des outils que nous devons approfondir, que nous devons renforcer, (...) mais nous devons aussi inventer pour chacun de nos ministères de nouveaux outils".
"Dans les quartiers les plus difficiles, je pense en particulier aux Quartiers de reconquête républicaine, je n'exclus pas la possibilité (...) à des moments de tensions particulières dans la journée, de présence physique de forces de l'ordre dans l'établissement, évidemment avec l'accord du chef d'établissement", a ajouté Christophe Castaner.
DU PERSONNEL D'ORIGINE MILITAIRE ?
Le programme des Quartiers de reconquête républicaine, qui prévoit une présence policière renforcée, a été lancé en septembre dernier par l'ancien ministre de l'Intérieur Gérard Collomb. Il s'est déployé dans une quinzaine de quartiers en 2018. Le programme sera élargi à une quinzaine d'autres en 2019 puis encore une trentaine en 2020.
Le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, envisage pour sa part la création d'établissements spécialisés pour les élèves de 13 à 18 ans qui ont été exclus de leur collège ou lycée. "Il n'y a rien de pire que d'exclure un élève et le transmettre dans un autre établissement sans qu'il y ait d'autres conséquences", a-t-il dit.
Ces structures pourraient recevoir du "personnel éducatif mais aussi de personnel (...) d'origine militaire et de la police" qui "aideront à un encadrement strict pour ces élèves que l'on a besoin de remettre sur les rails, en montrant la rigueur de la loi et les valeurs de la république", ajoute-t-il.
Les trois ministres présenteront mardi en conseil des ministres les dispositifs spécifiques à chaque ministère pour renforcer la sécurité dans les établissements.
DES SYNDICATS SCEPTIQUES
Pour la responsable nationale du syndicat des enseignants SE-UNSA Claire Krepper, "ce n'est pas ce que les enseignants attendent en priorité", eux qui "font plutôt part du fait qu'ils se sentent isolés, mal pris en compte dans leurs difficultés (...) professionnelles au quotidien, pas dans des situations de crises aiguës et de violence importante".
"Y-a-t-il un intérêt à avoir un planton de policiers ou des gendarmes dans un établissement de manière régulière ou faut-il plutôt une capacité à avoir une force de réaction rapide qui interviendrait vraiment à la demande et en fonction de la gravité de la situation? On se situe globalement dans la deuxième solution", explique pour sa part Philippe Vincent, secrétaire général du SNPDEN, le syndicat national des chefs d'établissement, sur RTL.
Côté policier, on trouve "l'idée bonne", mais cela nécessite un "gros plan de recrutement".
"Je craignais qu'après les incidents des derniers jours dans les écoles, on retombe dans le silence. Donc de voir une réaction simultanée, c'est une bonne chose", a dit à Reuters Yves Lefebvre, secrétaire général d'Unité SGP Police FO.
"Maintenant, avec quels moyens? On nous remplit constamment le cahier des charges. Mais ça ne pourra pas se passer avec des restrictions budgétaires. Si on déserte certains quartiers pour aller dans les établissements scolaires, la délinquance se déplacera", dit-il.
(Caroline Pailliez avec Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)