par Mehreen Zahra-Malik
PESHAWAR, Pakistan (Reuters) - La matinée avait débuté comme toutes les autres, dans les salles de cours de l'école publique militaire de Peshawar, lorsque les taliban ont fait irruption mardi, massacrant des dizaines d'élèves.
Shahrukh Khan, 15 ans, a été blessé par balles, touché aux deux jambes, mais il a survécu à l'attaque en se cachant sous un banc, avant d'être transporté à l'hôpital Lady Reading de Peshawar.
"L'une de mes enseignantes pleurait. Elle avait reçu une balle dans la main et criait de douleur", raconte-t-il de son lit d'hôpital.
"Un terroriste s'est ensuite dirigé vers elle et lui a tiré dessus jusqu'à ce qu'elle ne fasse plus aucun bruit. Tout autour de moi, mes amis étaient étendus à terre, blessés ou morts."
Les couloirs de l'hôpital militaire de Peshawar (Combined Military Hospital) débordent de corps d'étudiants en uniforme vert et jaune enveloppés dans des housses mortuaires blanches, témoigne un correspondant de Reuters.
Un parent d'une victime est désemparé lorsqu'on lui remet par erreur le corps d'un inconnu, car le visage de nombreux enfants a été brûlé par l'explosion des bombes.
Khalid Khan, 13 ans, se trouvait avec ses camarades de classe dans le hall principal pour suivre un cours de premiers secours lorsque deux hommes armés et rasés de près, portant des vêtements blancs et des vestes noires, ont fait irruption.
"Ils ont ouvert le feu sur les élèves et sont sortis. Le médecin militaire et les soldats ont réussi à s'échapper et nous avons bloqué les portes de l'intérieur", explique-t-il à Reuters. "Mais ils sont revenus peu de temps après, ont brisé les portes, sont entrés et se sont mis à tirer de nouveau."
"ILS VONT REVENIR ET ME TUER"
Nombre des quelque 150 étudiants présents dans le hall ont tenté de se mettre à l'abri sous leurs bureaux mais ont été tout de même touchés, ajoute-t-il.
"Ils ont tué la plupart de mes camarades de classe et ensuite je n'ai pas compris ce qui se passait lorsque l'on me transportait à l'hôpital."
D'autres témoins racontent que les agresseurs se parlaient selon eux en arabe ou en farsi - soutenant la thèse que les taliban comptent dans leurs rangs des centaines de combattants étrangers.
Un autre étudiant soigné dans l'un des hôpitaux et âgé de 15 ans, Jalal Ahmed, s'exprime avec difficulté, secoué par des sanglots.
"Je suis étudiant en biochimie et j'assistais à un cours dans le hall principal. Le hall compte cinq portes. Après un petit moment, nous avons entendu quelqu'un frapper les portes de derrière. Nous avons entendu des coups de feu mais notre professeur nous a dit de rester silencieux et nous a calmés. C'est alors que les hommes, lourdement armés, sont entrés."
Le jeune homme s'effondre, en pleurs.
"Il ne cesse de crier : 'emmenez-moi à la maison, emmenez-moi à la maison, ils vont revenir et me tuer'", dit son père, Mushtaq Ahmed, debout près du lit d'hôpital de son fils.
Un enfant de neuf ans, ne souhaitant pas être nommé par peur de représailles, raconte lui comment son enseignant a réussi à le faire sortir de l'école.
"Le professeur nous a demandé de réciter le Coran, à voix basse", explique-t-il. "Lorsque nous sommes sortis par la porte de derrière, il y avait une foule de parents en pleurs. Lorsque j'ai vu mon père, il pleurait lui aussi."
(avec Amjad Ali à Islamabad; Agathe Machecourt pour le service français, édité par Jean-Stéphane Brosse)