par Saif Hameed et Maher Chmaytelli
BAGDAD (Reuters) - Le bilan de l'attentat au camion piégé qui a frappé un quartier commerçant de Bagdad dans la nuit de samedi à dimanche en Irak atteint désormais 151 morts, auxquels s'ajoutent 35 disparus, a-t-on appris lundi de sources policières et médicales.
De nouveaux corps ont été retrouvés dans les décombres des immeubles détruits par le souffle de l'explosion dans le quartier de Karrada et certains blessés ont succombé, ont expliqué des responsables.
On compte également quelque 200 blessés.
L'organisation radicale sunnite Etat islamique (EI) a revendiqué cet attentat, l'un des plus meurtriers jamais survenus en Irak, en déclarant qu'il était l'oeuvre d'un kamikaze.
Un autre attentat survenu la même nuit sur un marché du quartier chiite d'Al Chaab, dans le nord de la capitale, a fait deux morts.
Ces attentats prouvent que la capacité de l'EI de frapper au coeur de la capitale est intacte, en dépit de récents revers militaires, à commencer par la perte de son bastion de Falloudja, dont la reconquête a été proclamée le 26 juin par le Premier ministre Haïdar al Abadi.
Le chef du gouvernement avait ordonné fin mai l'assaut sur cette ville située à une soixantaine de km à l'ouest de Bagdad qu'il présentait comme la base logistique de la plupart des attaques suicide commises contre la capitale.
Le convoi du Premier ministre a été accueilli par des jets de pierres, ou de chaussons en signe de mépris, dimanche lorsqu'il s'est rendu à Karrada, le quartier où il a grandi.
"DAECH A DES PARTISANS PARTOUT"
"Abadi doit avoir une réunion avec les chefs de la sécurité nationale, du renseignement, le ministère de l'Intérieur et tous les organes de sécurité et leur poser une seule question: comment pouvons-nous infiltrer ces groupes?" déclare Abdoul Karim Khalaf, ancien général irakien reconverti en consultant pour l'European Centre for Counterterrorism and Intelligence Studies, un groupe de recherches basé aux Pays-Bas.
Selon lui, Daech (acronyme arabe de l'EI) "a des partisans ou des membres partout, à Bagdad, à Bassorah, au Kurdistan. Il suffit d'avoir un seul homme et une maison pour établir une base logistique pour des attaques de ce type".
Haïdar al Abadi a ordonné de nouvelles mesures de protection de la capitale, à commencer par le retrait de faux détecteurs d'explosifs vendus pour 40 millions de dollars par un homme d'affaires britannique, condamné depuis, au précédent gouvernement de Nouri al Maliki, que la police continuait à utiliser alors qu'on connaît leur existence depuis 2011.
Lundi à Karrada, les sauveteurs continuaient de fouiller les ruines du centre commercial Al Lais qui constituait apparemment la principale cible de l'attentat.
Le bilan est d'autant plus lourd que de nombreux habitants étaient sortis dans cette artère commerçante pour profiter de leur soirée et faire des courses à quelques jours de la fête de l'Aïd, qui marque la fin du mois de jeûne du ramadan.
"A mesure qu'il cède du terrain, Daech va passer d'un groupe terroriste s'appuyant sur un soi-disant Etat à un simple groupe terroriste", prédit Hicham al Hachimi, auteur d'un livre sur l'EI.
Cela exigera une réponse accrue de la part des services de renseignement et de sécurité et une coopération de la part des sunnites irakiens qui s'estiment marginalisés par le pouvoir en place. "Leur apport sera de la plus haute importance pour démasquer des cellules dormantes", ajoute l'analyste.
Les services de renseignement irakiens ont annoncé lundi l'arrestation de 40 "terroristes" soupçonnés de former un groupe pour perpétrer des attentats à Bagdad et dans la province de Diyala, dans l'est du pays.
(Jean-Stéphane Brosse et Nicolas Delame pour le service français)