par Emmanuel Jarry
PARIS (Reuters) - HSBC Private Bank Suisse SA paiera à l'Etat français 300 millions d'euros pour clore des poursuites engagées par Paris, qui lui reproche d'avoir aidé des contribuables français à soustraire au fisc plus de 1,6 milliard d'euros d'avoirs.
Une convention judiciaire d'intérêt public (CJIP), fruit de mois de négociations entre le parquet national financier français et la banque privée suisse, filiale de la britannique HSBC, a été approuvée mardi par le président du tribunal de grande instance de Paris, a annoncé le PNF dans un communiqué.
C'est le premier accord signé en France dans le cadre de la loi "Sapin 2" du 9 décembre 2016 sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique.
C'est aussi la plus grosse sanction jamais infligée en France à une banque, souligne la procureure Eliane Houlette.
"Pour nous c'est un grand jour", a-t-elle déclaré à des journalistes. "Cette convention permet d'avoir une justice plus lisible, plus rapide et plus exemplaire."
Seule une sanction financière infligée par l'Autorité de la concurrence à l'opérateur de télécommunications Orange (350 millions d'euros) a dépassé à ce jour ce montant en France.
Les sanctions infligées jusqu'ici à HSBC en Allemagne, aux Etats-Unis ou en Suisse pour des faits similaires vont de 12 à 36 millions d'euros, selon une synthèse du PNF.
HSBC Private Bank Suisse SA avait été mise en examen le 18 novembre 2014 pour démarchage bancaire et financier illicite et blanchiment aggravé de fraude fiscale en 2006 et 2007.
Il lui était reproché d’avoir prospecté des contribuables français en France et de les avoir aidés en toute connaissance de cause à dissimuler leurs avoirs à l’administration fiscale.
Le montant des avoirs ainsi soustraits à l’impôt sur la fortune et à l’impôt sur le revenu en France est supérieur à 1,6 milliard d’euros, précise le PNF dans son communiqué.
Le bénéfice tiré par la banque de la gestion de ces avoirs français a été évalué à 86,4 millions d'euros. Somme qu'elle devra rembourser et qui sera augmentée d'une pénalité de 71,6 millions d'euros pour atteindre 30% du chiffre d'affaires moyen de la Banque privée suisse sur les trois dernières années.
UBS IRA POUR SA PART AU PROCÈS
"HSBC paiera le maximum", souligne le premier vice-procureur du PNF Eric Russo, qui a mené les négociations.
Le solde des 300 millions représente les dommages et intérêts dus à l'Etat au titre de son préjudice.
Les infractions avaient été découvertes grâce à la saisie et l’exploitation de documents informatiques retrouvés au domicile, en France, d’un ex-salarié de HSBC en janvier 2009.
Par la signature de la CJIP, la banque reconnaît l’existence des faits, ajoute le PNF.
L'ordonnance de validation de la convention n'est pas susceptible d'un recours. Sous réserve de l’exécution intégrale des obligations de la CJIP, celle-ci acte la fin des poursuites à l'encontre de HSBC Private Bank Suisse SA, précise le parquet.
La sanction sera immédiatement exécutoire, passée une période de rétractation de dix jours. Possibilité à laquelle HSBC Holdings PLC, la société-mère qui a bénéficié pour sa part d'une ordonnance de non-lieu, ne semble pas vouloir recourir.
"HSBC est satisfaite de la résolution de cette affaire, qui porte sur des agissements ayant eu lieu il y a de nombreuses années", a déclaré la banque britannique dans un communiqué.
Elle dit avoir "publiquement reconnu à plusieurs occasions des faiblesses dans les contrôles, à l'époque, de la banque privée suisse" et pris "des mesures strictes pour y remédier".
HSBC précise également que le montant de l'amende a été "entièrement provisionné".
Deux anciens dirigeants de la banque HSBC Private Bank Suisse SA restent en revanche pénalement poursuivis.
Selon Eliane Houlette, HSBC a préféré tourner la page en concluant cet accord, plutôt que de subir des années durant la perspective d'un procès susceptible de nuire à sa réputation.
Un choix que n'a en revanche pas fait la banque suisse UBS, renvoyée en correctionnelle dans une enquête pour démarchage illicite et blanchiment aggravé de fraude fiscale, faute d'accord avec le PNF sur une sanction financière.
"Nous étions trop éloignés en termes de montant pour parvenir à un accord", a expliqué Eliane Houlette. "Normalement on va au procès (...). En l'état des textes, un retour en arrière paraît difficile dès lors que l'action publique est engagée."
(avec Michael Shields à Zurich, édité par Sophie Louet)