PARIS (Reuters) - La présentation du futur gouvernement a été repoussée mardi de 24h, le temps de procéder aux vérifications fiscales et déontologiques des futurs ministres afin d'éviter "les mauvaises surprises", une allusion aux affaires qui ont terni la "République exemplaire" prônée par François Hollande.
Emmanuel Macron, qui a fait de la moralisation de la vie politique une des priorités de son quinquennat, avait prévenu pendant la campagne présidentielle qu'il prendrait les mesures nécessaires pour s'assurer de l'intégrité de ses ministres.
"Conformément à ses engagements de moraliser la vie publique, le président de la République, en lien avec le Premier ministre, a souhaité introduire un temps de vérification", a annoncé l'Elysée dans un communiqué.
La direction générale des Finances publiques et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ont été chargées de "réaliser les diligences nécessaires" pour vérifier que les ministres pressentis font l'objet d'une vérification fiscale et qu'ils ne se trouvent pas dans des situations de conflit d’intérêt.
Les ministres, poursuit l'Elysée, devront "signer un engagement sur l’honneur d’intégrité et de moralité selon lequel ils ne sont pas engagés dans des activités contraires à la loi ou à la probité" et à "exercer leur fonction gouvernementale de manière irréprochable."
"Vingt-quatre heures pour contrôler les caractéristiques des candidats présentés, je pense que n'est pas aller trop lentement", a estimé Christophe Castaner, porte-parole d'Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, sur LCI.
"Quarante-huit heures pour avoir un gouvernement à l'action, à l'échelle de ce que nous avons à faire pour les cinq ans qui viennent c'est un délai plus que raisonnable", a-t-il ajouté, défendant une mesure censée éviter les "incidents" et "les mauvaises surprises."
CONSEIL DES MINISTRES JEUDI
La liste des ministres qui composeront le gouvernement d'Edouard Philippe, qui devait être dévoilée mardi, sera donc annoncée mercredi à 15h avant, selon l'entourage d'Emmanuel Macron, un premier conseil des ministres jeudi.
Le chef de l'Etat sera le lendemain en Afrique - son deuxième déplacement à l'étranger depuis son investiture officielle dimanche dernier - où il rendra visite aux troupes françaises déployées dans la région.
Le report de la présentation du gouvernement a relancé les spéculations sur l'identité et la sensibilité politique des ministres de ce gouvernement, dont le chef de l'Etat a annoncé qu'il avait "vocation à durer".
La question de la composition du gouvernement, appelé à refléter la logique de recomposition politique prônée par le chef de l'Etat, a fait l'objet d'un entretien d'une heure et demie entre Edouard Philippe et Emmanuel Macron à la mi-journée à l'Elysée, d'où rien n'a filtré.
Dans la matinée, le ministre de la Défense sortant Jean-Yves Le Drian avait été reçu par le nouveau locataire de Matignon, alimentant les rumeurs sur son maintien à son poste.
Au-delà de ce poids lourd du quinquennat de François Hollande, les noms du leader du MoDem François Bayrou ou de l'eurodéputée Sylvie Goulard ont été cités ces derniers jours, sans jamais être confirmés par l'équipe élyséenne.
L'entourage de Nicolas Hulot a de son côté fait état de discussions en cours entre l'écologiste et Emmanuel Macron en vue d'une éventuelle entrée au gouvernement, tout en précisant que "rien n'était acté" à ce stade.
"Dans la composition d'un gouvernement, un de mes prédécesseurs à Matignon m'avait expliqué que les choses étaient arrêtées une fois que les décrets étaient lus par le secrétaire général de l'Elysée", a prévenu Edouard Philippe lundi sur TF1 (PA:TFFP).
"Je suis en train de constituer un gouvernement (...) rassembleur de compétences", a-t-il ajouté.
Emmanuel Macron avait déclaré début mai qu'il choisirait ses ministres "pour leur expérience, leur compétence, ce qu'ils ont fait, et pas pour ce qu'ils représentent ou leur poids politique."
TEST POUR MACRON
Resserré autour de quinze ministres, le gouvernement devrait être paritaire et composé pour un tiers de membres de la société civile, a répété Emmanuel Macron ces dernières semaines.
Au-delà des engagements en matière d'intégrité, chaque ministre aura également "une feuille de route présentée avant les législatives, avec des objectifs en termes de politiques publiques et de budget".
La capacité d'Emmanuel Macron à rassembler au-delà du clivage traditionnel droite-gauche aura valeur de test à moins d'un mois du premier tour des élections législatives.
Le chef de l'Etat, qui a remporté la présidentielle en suivant cette ligne, doit désormais transformer l'essai les 11 et 18 juin s'il veut mettre en oeuvre son programme de réformes. Et la marge de manoeuvre s'annonce étroite.
Réagissant à l'arrivée du juppéiste Edouard Philippe à Matignon, Benoît Hamon, candidat malheureux du Parti socialiste à la présidentielle, a estimé que "la place de la gauche" n'était "ni dans son gouvernement ni dans la majorité qui pourrait le soutenir".
A droite, les digues semblent pour l'instant tenir malgré les nombreux appels du pied du chef de l'Etat à des ténors LR proches d'Alain Juppé. Mais le parti, déjà ébranlé par son élimination au premier tour de la présidentielle, pourrait ne pas se relever indemne de cette opération de déstabilisation.
(Marine Pennetier et Jean-Baptiste Vey, avec Cyril Camu et Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)