par MacDonald Dzirutwe
HARARE (Reuters) - Robert Mugabe s'estime le seul dirigeant légitime du Zimbabwe et résiste aux pressions de l'armée qui cherche à l'écarter du pouvoir, a-t-on appris jeudi de sources politiques et proches des services de renseignement.
Au lendemain de la prise du pouvoir par les militaires, une source politique a déclaré que le président nonagénaire n'avait aucunement l'intention de démissionner avant les élections prévues l'an prochain.
"C'est une sorte de bras de fer, une impasse", a dit cette source, qui a pu s'entretenir avec des proches du chef de l'Etat, assignés comme Mugabe et sa famille à l'intérieur du palais présidentiel à Harare.
"Ils disent que le président doit finir son mandat."
Un prêtre catholique, Fidelis Mukonori, joue les intermédiaires entre Robert Mugabe et l'armée, qui a pris le pouvoir dans la nuit de mardi à mercredi en disant vouloir cibler les "criminels" dans l'entourage du chef de l'Etat, âgé de 93 ans et au pouvoir depuis 37 ans.
Les discussions viseraient à organiser une transition en douceur et sans effusion de sang.
Des documents émanant des services de renseignement et consultés par Reuters suggèrent que l'ancien chef des services secrets Emmerson Mnangagwa, qui a été limogé le 6 novembre par Robert Mugabe de son poste de vice-président, prépare depuis plus d'un an l'après-Mugabe avec l'armée et l'opposition.
LA RUE RESTE CALME
Le chef de l'opposition Morgan Tsvangirai, qui était soigné à l'étranger pour un cancer, est revenu mercredi soir à Harare, ce qui alimente les spéculations selon lesquelles ce projet pourrait être déjà être à l'oeuvre.
L'ancien ministre des Finances Tendai Biti s'est dit prêt quant à lui à intégrer un gouvernement d'union nationale si Morgan Tsvangirai y participe.
"Si Morgan dit qu'il y va, j'y vais aussi", a déclaré Tendai Biti, ministre des Finances au sein du gouvernement d'union entre 2009 et 2013.
Robert Mugabe, toujours admiré par de nombreux Africains comme un héros de la lutte anti-coloniale, est considéré comme un despote par les Occidentaux qui estiment que sa gestion désastreuse de l'économie et son recours à la violence pour se maintenir au pouvoir a ruiné l'un des Etats les plus prometteurs du continent africain.
Le président sud-africain Jacob Zuma a dit mercredi s'être entretenu par téléphone avec son homologue zimbabwéen, qui lui a dit qu'il était retenu à son domicile mais qu'il se portait bien.
En prenant le pouvoir, les militaires avaient pour principal objectif d'empêcher l'épouse du chef de l'Etat, Grace Mugabe, 52 ans, de lui succéder, estiment les observateurs.
Mais Robert Mugabe semble arriver lui-même en bout de course. La police, qui lui était autrefois fidèle, n'a montré aucun signe de résistance.
Au sein de la Zanu-PF, le parti au pouvoir, ses partisans ne se comptent plus que sur le bout des doigts.
Les rues de Harare restaient calmes jeudi, au deuxième jour du coup de force des militaires.
(Jean-Stéphane Brosse pour le service français)