WASHINGTON (Reuters) - Porté par une vague de mécontentement à l'égard de Donald Trump, le Parti démocrate a ravi mardi aux républicains la majorité à la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat, ce qui va lui permettre de s'opposer au programme du président et de demander davantage de comptes à son administration.
Bien que le camp conservateur reste fermement aux commandes du Sénat, où il gagne même du terrain, il s'agit d'un revers de taille pour son chef de file, dont la personnalité et les méthodes étaient au centre de ce scrutin en forme de référendum.
Les résultats ne sont pas encore définitifs, mais le Parti démocrate devrait gagner une trentaine de sièges à la Chambre, où 23 auraient suffi à faire basculer la majorité qui lui échappait depuis huit ans.
Cette victoire devrait lui permettre d'obtenir la divulgation des revenus de Donald Trump, d'enquêter sur d'éventuels conflits d'intérêt et d'accélérer les investigations sur les soupçons de collusion entre son équipe de campagne et la Russie menées par le procureur spécial Robert Mueller.
Les démocrates pourraient en outre le contraindre à renoncer à une partie de ses projets. Le mur qu'il a promis de construire à la frontière mexicaine pourrait ainsi être remis en question, tout comme la nouvelle réforme fiscale qu'il comptait mener à bien. La poursuite de sa politique isolationniste dans le domaine commercial pourrait également être remise en cause.
La cohabitation avec une chambre à majorité démocrate va par ailleurs le contraindre à trouver des compromis, ce qu'il n'a pas été enclin à faire depuis son arrivée à la Maison blanche.
La majorité simple suffit à la Chambre pour entamer une procédure de destitution, ce qui n'est pas exclu s'il s'avère que Donald Trump a fait obstacle à la justice ou qu'il y a bien eu collusion avec Moscou lors de la campagne pour la présidentielle de 2016, mais les deux tiers des voix sénatoriales sont nécessaires pour mettre effectivement fin au mandat présidentiel
"Grâce à vous, demain sera un nouveau jour aux Etats-Unis. Le peuple américain veut la paix, il veut des résultats", s'est félicitée Nancy Pelosi, présidente du groupe démocrate à la Chambre. "Nous allons devoir trouver des terrains d'entente où c'est possible et défendre nos positions là où nous ne le pourrons pas", a-t-elle poursuivi.
TRUMP : "UN ÉNORME SUCCÈS"
Donald Trump, qui dit en revanche sur Twitter (NYSE:TWTR) avoir obtenu "Un énorme succès ce soir", s'est entretenu avec elle à l'issue du scrutin. Il a également appelé Mitch McConnell et Chuck Schumer, présidents des groupes républicain et démocrate au Sénat.
A l'approche du scrutin, l'homme d'affaires âgé de 72 ans avait considérablement musclé son discours sur l'immigration, l'un de ses thèmes de prédilection, en brandissant la menace que représente à ses yeux la "caravane" d'émigrants partie du Honduras en direction des Etats-Unis, et en dénonçant les projets des "gangs" démocrates.
Dans l'opposition, beaucoup ont en revanche choisi de ne pas s'en prendre directement à lui pour se concentrer sur des thèmes tels que la protection sociale ou les retraites.
C'est seulement la troisième fois en vingt ans qu'un parti gagne plus de 24 sièges à la Chambre. La progression enregistrée mardi par le camp démocrate est en outre sans précédent depuis 2010. Deux ans après l'élection de Barack Obama, les républicains avait alors conquis 64 sièges.
Les Américains étaient appelés mardi à renouveler la totalité de la Chambre des représentants et à attribuer 35 des 100 sièges sénatoriaux. Ils devaient en outre élire 36 des 50 gouverneurs d’Etats.
Au Sénat, les républicains ont repris quatre sièges aux démocrates: Bill Nelson a été battu en Floride, Joe Donnelly dans l'Indiana, Heidi Heitkamp dans le Dakota du Nord et Claire McCaskill dans le Missouri.
Elue en Floride Donna Shalala, membre du Cabinet de Bill Clinton pendant sa présidence, fait partie des grands vainqueurs du scrutin côté démocrate, mais de grandes stars du parti ne sont pas parvenues à s'imposer. C'est le cas de Beto O'Rourke, battu par le sénateur sortant Ted Cruz au Texas ou d'Andrew Gillum, qui espérait devenir le premier gouverneur noir de la Floride.
Les démocrates doivent une bonne part de leurs succès du jour à la mobilisation des électrices, des jeunes et des hispaniques, selon un sondage Reuters-Ipsos. Cinquante-cinq pour cent des femmes disent avoir voté pour un candidat démocrate à la Chambre, contre 49% lors des élections législatives de mi-mandat de 2014.
(John Whitesides; Jean Terzian et Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Marc Joanny)