PARIS (Reuters) - Le gouvernement et la CGT se rejettent la responsabilité des violences qui émaillent depuis plus de trois mois les manifestations contre la loi Travail, tandis que des syndicats de police s'interrogent sur la gestion du maintien de l'ordre.
Depuis la manifestation de mardi, l'exécutif accuse la CGT de complaisance, voire d'une forme "d'appui" aux "casseurs", notamment lors des violences contre la façade de l'hôpital pour enfants Necker, où se trouvait le garçonnet dont les parents ont été tués lundi par un homme se réclamant de l'Etat islamique.
François Hollande a dans la foulée menacé d'interdire les manifestations à Paris si la sécurité n'est pas garantie.
Confortant les propos du Premier ministre Manuel Valls dénonçant "l'attitude ambiguë" de la CGT, le préfet de police de Paris, Michel Cadot, a accusé "une petite partie" des militants cégétistes d'avoir "participé" à des violences.
Bernard Cazeneuve a enfoncé le clou jeudi en affirmant que des "syndicalistes étaient parmi les casseurs".
"Lorsque (le secrétaire général de la CGT) Philippe Martinez ne condamne pas des personnes qui portent l'insigne de son organisation syndicale qui dépavent dans les rues de Paris et qui jettent des projectiles aux forces de l'ordre, ça me pose un problème", a dit le ministre de l'Intérieur à la presse.
Une quarantaine de personnes arrêtées mardi en marge de la manifestation doivent être jugés jeudi en comparution immédiate.
Parmi eux figure un militant CGT du Loiret, a annoncé la fédération des Services publics du syndicat, qui a appelé à manifester devant le palais de justice de Paris.
"DÉTOURNER LE DÉBAT"
Philippe Martinez a rejeté en bloc ces accusations, justifiant l'attitude violente de certains cégétistes mardi par un probable "ordre" de "charger des manifestants".
"Essayer de détourner le débat sur la CGT alors que le problème, ce sont des casseurs qui sont à l'extérieur des manifestations, c'est un nouveau procès d'intention contre la CGT", a-t-il déclaré sur RTL.
Jean-Claude Mailly, le dirigeant de Force ouvrière, dénonce le "côté pyromane" de Manuel Valls, soulignant dans Libération que les syndicats n'ont aucun intérêt à faire preuve de complaisance envers des violences "qui nous desservent".
D'autres syndicalistes ont rappelé que le 12 et le 17 mai dernier, des éléments d'extrême gauche avaient violemment agressé le service d'ordre de la CGT.
Depuis le début des manifestations, des syndicats de police, de gauche comme de droite, dénoncent l'"ambiguïté" des consignes données aux forces de l'ordre par les autorités.
"L'Etat doit prendre ses responsabilités, ne pas nous laisser attendre des heures face à des casseurs identifiés, qu'on pourrait même peut-être préventivement assigner à résidence dans le cadre de l'état d'urgence ou interpeller", avait déclaré le 5 mai sur France Info Jean-Claude Delage, le secrétaire général du syndicat Alliance.
Jeudi, le syndicat Alternative CFDT a estimé que les responsabilités étaient "partagées" entre les organisateurs des manifestations et "certaines autorités de la préfecture de police de Paris".
Selon lui, la CGT ne peut ignorer que les "casseurs" arrivent "habillés normalement", organisent un carré de tête dans le cortège puis, "en cours de manifestation, s'équipent de tout le matériel nécessaire pour passer à l'acte".
Soulignant le nombre très élevé de policiers blessés, Alternative CFDT critique aussi les notes de la hiérarchie interdisant l'usage des flash-ball et des grenades de désencerclement et le manque de "consignes adéquates".
"Comment expliquer que les policiers aient été obligés d'attendre une heure afin que les instructions soient données pour utiliser le canon à eau ?" lors de la manifestation de mardi, demande-t-il.
(Gérard Bon, avec Brian Love, édité par Yves Clarisse)