par Gilles Guillaume
PARIS (Reuters) - La ministre de l'Ecologie Ségolène Royal a souhaité mardi un gel des tarifs des autoroutes en 2015 et attend un effort d'un milliard d'euros des sociétés concessionnaires, qui pourrait prendre la forme d'une taxe sur leurs bénéfices.
"C'est un des points en discussion avec les sociétés d'autoroutes", a-t-elle déclaré sur BFMTV à propos d'un gel des tarifs des péages l'an prochain.
"Je le souhaite, parce les tarifs ont trop augmenté par rapport au coût de la vie, donc il faut rendre aux automobilistes un peu de justice et d'équité tarifaire."
Les péages devraient augmenter en moyenne de 0,6% l'an prochain sur les réseaux exploités par les filiales de Vinci, Eiffage et Abertis.
Ces nouvelles déclarations gouvernementales pèsent en Bourse sur les titres de ces trois groupes. Vinci perd 2,7% et Eiffage 1,8% à Paris à 13h15, tandis qu'à Madrid, Abertis recule de 1%.
"On a encore droit au 'casino Royal' aujourd'hui, face elle gagne, pile l'action perd", commente un trader en poste à Paris.
Le gouvernement mène actuellement des pourparlers avec les sociétés d'autoroutes, dont la Cour des Comptes et l'Autorité de la Concurrence ont dénoncé les "rentes" dans des rapports récents. Les concessionnaires ont fait lundi 8 décembre une série de propositions au gouvernement, et attendent de connaître la suite que celui-ci entend leur donner.
"Les sociétés (...) n'ont aucune marge de manoeuvre pour l'application (des) lois tarifaires", a réagi l'Asfa (Association des sociétés françaises d'autoroutes) dans un communiqué.
"Si l'Etat souhaite modifier l'un ou l'autre des paramètres fondamentaux des contrats de concession, ceci ne peut résulter que d'une négociation avec les sociétés concessionnaires dans le respect de l'équilibre économique de ces contrats."
LA RÉSILIATION, UNE OPTION PARMI D'AUTRES
Parmi les propositions - plus d'une dizaine - adressées à Ségolène Royal et au ministre de l'Economie Emmanuel Macron, les concessionnaires seraient prêts à moduler les tarifs des péages en étalant davantage les hausses dans le temps, a-t-on appris mardi de source proche des sociétés d'autoroutes.
"Pour les sociétés qui ont un contrat de plan, on est prêt à renégocier la durée d'étalement de la hausse", a dit cette source, évoquant une durée pouvant aller jusqu'à huit ans, contre cinq ans dans le système actuel des contrats de plan.
Un gel des tarifs en 2015 ne fait en revanche pas partie des propositions, mais serait possible "le cas échéant" grâce à l'étalement des augmentations.
Dans son bras de fer avec les concessionnaires, la ministre de l'Ecologie n'a pas écarté non plus la possibilité d'une résiliation de leurs contrats, tout en soulignant qu'il s'agissait d'une option parmi d'autres.
"C'est une hypothèse parmi d'autres que le gouvernement n'écarte pas", a-t-elle dit, ajoutant : "Il y en trois, soit la résiliation totale, soit une résiliation partielle, soit la rediscussion des concessions dans le cadre actuel."
Ségolène Royal a chiffré à un milliard d'euros l'effort qui pourrait être demandé aux concessionnaires, peut-être sous la forme d'une taxe, "ce qui est finalement moins de 10% du montant global qu'elles ont versé à leurs actionnaires, qui s'élève à 17 milliards d'euros", a-t-elle commenté.
Mais la marge est étroite, les contrats de concession actuels prévoyant la compensation systématique de tout nouveau prélèvement, via les péages ou un allongement de la durée des concessions.
L'Agence de financement des infrastructures de transport (AFITF), dont le budget annuel tourne autour de deux milliards d'euros, est confrontée actuellement à des problèmes structurels de financement. La hausse de la fiscalité sur le diesel devrait combler l'an prochain le trou laissé par l'abandon de l'écotaxe, mais la question se reposera au cours des prochaines années.
Le gouvernement aimerait donc solliciter davantage les sociétés d'autoroutes. Celles-ci font valoir qu'elles financent déjà l'AFITF à hauteur de 40% via les redevances domaniales et la taxe d'aménagement du territoire.
(Avec Yann Le Guernigou, édité par Dominique Rodriguez)