Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Le crash du Boeing (NYSE:BA) 737 MAX d’Ethiopian Airlines ce dimanche, un drame qui a fait 157 victimes, ne fait évidemment pas les affaires de l’avionneur américain. Sans grande surprise, le titre abandonne en effet plus de 10% depuis le début de la semaine et son ouverture en « gap » de lundi.
Et s’il faut encore attendre le verdict des boîtes noires, la réputation de Boeing sera sans doute durablement affectée avec ce deuxième accident sur un même modèle en à peine cinq mois. Un coup d’autant plus terrible que cet avion, version améliorée du gros porteur le plus vendu de tous les temps, mais dont les débuts commerciaux sont pour le moins difficiles, comme ceux du DC-10 et de l’A320 « standard » avant lui, a pour vocation de concurrencer l’Airbus A320 NEO sur le très porteur segment des monocouloirs.
Soucieuse d’appliquer le principe de précaution (et peut-être de « piquer » les Etats-Unis sur le plan commercial), la Chine a la première décidé de clouer au sol l’ensemble des Boeing 737 MAX en service au sein des compagnies nationales. Plusieurs pays européens, dont la France, lui ont ensuite emboîté le pas, déclarant cet opus persona non grata sur leur territoire, tout comme le Brésil, le Chili ou encore le Canada.
Originellement réfractaires à cette extrémité, les Etats-Unis s’y sont aussi résolus, alors qu’on sait aujourd’hui que des pilotes de ligne américains ont fait état fin 2018 d’incidents rencontrés aux commandes du modèle et que des éléments à charge contre l’appareil ont été révélés dans le cadre du crash éthiopien. Les compagnies American Airlines et Southwest Airlines sont de surcroît les principales clientes du 737 MAX outre-Atlantique, et un nouvel accident sur le territoire américain aurait eu des répercussions cataclysmiques pour Boeing.
Airbus Group (PA:AIR) est en tête du CAC40 depuis le début de l’année
Du strict point de vue boursier, le titre Airbus Group vient pour sa part d’inscrire un nouveau record historique, bouclant la séance d’hier à proximité immédiate des 117€. Et pour cause : dans certains secteurs, le malheur des uns peut souvent faire le bonheur des autres.
C’est aussi le cas de celui des télécoms. Par exemple, lorsque Bouygues (PA:BOUY), Orange et Altice (AS:ATCA) (ou plus exactement SFR (PA:SFRGR)) annoncent tous les trois avoir gagné des abonnés sur le trimestre écoulé, il est évident que ces progressions se sont faites au détriment du quatrième opérateur, en l’occurrence Free (Iliad (PA:ILD) donc). Eh bien, dans l’aéronautique, on retrouve un peu ce même principe de vase communicant, avec pour le coup des investisseurs qui s’attendent à ce que les compagnies se tournent vers l’A320 NEO.
A cet égard, Addis-Abeba serait d’ailleurs en pourparlers avec Airbus Group concernant une éventuelle nouvelle commande dans le cadre du renouvellement de la flotte d’Ethiopian Airlines.
En Bourse, il se trouve que l’action de l’avionneur européen enregistre une progression de quelque 39% depuis le 1er janvier, soit la meilleure performance du CAC40. Toutefois, malgré cette récente appréciation, la valorisation relative du groupe par rapport à celle de son homologue américain ne semble pas encore excessive. Airbus Group se paie en effet 15,5 fois les résultats attendus l’an prochain, tandis que le PER de Boeing avoisine encore les 18 sur 2020.
Moyennant quoi, voir le titre évoluer autour des 130 € n’aurait rien de choquant. Pour autant, attention. D’une part, d’un point de vue historique, l’écart de valorisation entre les deux géants aéronautiques a toujours été en faveur de l’américain. D’autre part, gardons à l’esprit qu’Airbus avait plongé en Bourse en décembre dernier (cf. le rectangle bleu clair sur mon graphique ci-après), alors que le groupe était visé par une enquête de la justice… américaine.
Des soupçons de corruption faisaient alors craindre une amende record de plusieurs milliards de dollars. Avec la remontée des marchés et de bons résultats 2018, le marché a depuis occulté cet épisode.
En cette mi-mars, alors que l’hégémonie de Boeing risque d’être mise à mal, le timing pourrait néanmoins être opportun pour que les autorités américaines ressortent les « casseroles » de l’éternel rival. Et montrer ainsi que, dans un autre registre, Airbus n’est pas non plus tout blanc, afin de tenter, indirectement, de relancer le fleuron national.