Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Avant de revenir sur la séance des « 4 sorcières » de vendredi, je souhaitais attirer votre attention sur le profil – ou plutôt sur le comportement – de l’Euro Stoxx50 depuis le 15 juin dernier. L’indice avait alors clôturé à 3 505 points, contre 3 430 points vendredi, soit 2% de perdus.
Toutefois, ce n’est pas ce repli trimestriel qui interpelle, mais plutôt la succession de mouvement unidirectionnels, tantôt à la hausse, tantôt à la baisse et en mode « funiculaire », comprenez avec des séries de sept, huit et maintenant dix séances consécutives de hausse ou de baisse.
En l’occurrence, les « préparatifs » de la séance des « 4 sorcières » du 21 septembre se sont soldés par une série de 10 séances consécutives dans le vert (entre 3 275 et 3 435 points, soit un gain de l’ordre de 5%). Celle-ci demeurera un cas d’école de programmation algorithmique écrasant tout sur son passage, y compris et surtout l’actualité économique et géopolitique.
Les épisodes de baisse du 8 au 15 août étaient cependant tout aussi linéaires (-5% à la baisse également en moyenne) et exempts de toute réaction technique de sens opposé, indépendamment des « nouvelles du jour » ou de celles anticipées le lendemain.
C’est le comportement typique d’un indice qui enchaîne les séquences algorithmiques dans le cadre d’arbitrages transatlantiques pour lesquels la balance penche systématiquement en faveur de Wall Street, tout simplement parce que ce sont les Etats-Unis qui « mènent le jeu ». Et tant pis s’il s’agit d’un jeu dangereux qui remet en cause des décennies de libre-échange et met aux prises 2 géants économiques qui ont coopéré – malgré de nombreux sujets de discorde – durant 20 ans…
La guerre commerciale, jeu de rôle ou prémisses d’un conflit durable ?
Alors que Jamie Dimon se plaît à relativiser cet affrontement en le qualifiant de jeu de rôle et d’escarmouches, Jack Ma, le fondateur d’Alibaba (NYSE:BABA), a au contraire déclaré la semaine dernière s’attendre à deux décennies de conflit(s) entre les deux pays.
Les observateurs les plus pessimistes anticipent même l’avènement d’une nouvelle « guerre froide », non pas entre deux pays qui se livreraient à un concours d’ogives nucléaires (comme du temps de l’URSS), mais entre deux Etats qui se disputent le leadership technologique planétaire (il en sera largement question dans ma prochaine Lettre Béchade Confidentiel, avec un long chapitre consacré à la « reprise en main » de la Chine par Xi Jinping et son équipe).
Une Chine rassemblée (de gré ou de force) derrière son chef, face à des Etats-Unis où la moitié de la Maison-Blanche, des deep States et des services secrets complotent contre le président, tandis que la société civile américaine se fracture de plus en plus entre pro et anti-Donald Trump : voilà qui devrait préoccuper les marchés et tempérer l’optimisme de Wall Street.
Et pourtant… les marchés actions américains profitent cyniquement des mesures de relance par les déficits destinées en premier lieu au 1% des plus aisés, en se moquant bien des conséquences à court, moyen ou long terme pour les 99% restants. L’argent facile, c’est maintenant qu’il faut mettre la main dessus, plus tard ce sera peut-être (et même sûrement) trop tard !
Car la Chine vient d’annoncer qu’elle suspendait les pourparlers commerciaux et s’apprêtait à renforcer les sanctions douanières contre les produits américains.
Le Dow Jones et le S&P500 euphoriques au troisième trimestre
Pour l’heure, le troisième trimestre s’est achevé dans une apparente allégresse boursière, mais avec tout de même un bémol en ce qui concerne le Nasdaq (-0,5% vendredi et une perte hebdomadaire de 0,25%), lequel affiche néanmoins une hausse de 3,5% depuis fin juin. Une performance honorable, mais modeste en comparaison de celle du Dow Jones (+0,23% à 26.743 vendredi, soit +2,2% sur la semaine), qui a dans le même temps grimpé de 9,3%.
De même, le S&P500 (quasi-stable à 2 929,6 points vendredi après un record absolu en intraday à 2 941 points) a engrangé 0,8% sur la semaine et, surtout, flambé de 8,5% sur le trimestre.
Une rotation sectorielle semble à présent se dessiner au détriment des « technos », mais en réalité cela fait longtemps que la plupart des valeurs du Nasdaq ne montent plus et que se diffuse une hausse en « trompe-l’œil » dans laquelle les achats deviennent ultra-concentrés (une vingtaine de valeurs représentent la totalité des 15,5% de performance annuelle de l’indice).
Par ailleurs, en ce qui concerne le S&P500, il ne s’agit pas véritablement d’une revanche sur le Nasdaq, tout au plus d’un rééquilibrage, et encore moins d’une revanche de la gestion « discriminante ». En effet, 90% de la collecte d’un géant de la gestion d’actifs comme Blackrock s’investit dans des ETF et des fonds de réplication indiciels.
Or, l’allocation s’avère de plus en plus quantitative et plus que jamais tributaire de la modération du « risque apparent ». Celle-ci est symbolisée par le « VIX », lequel vient de se détendre sous les 12 et même 11,5.
Le fait qu’il affiche un niveau aussi bas alors que les taux s’étagent entre 2,04 et 3,07% de un mois à dix ans est sans précédent depuis 2008…
D’une manière générale, Wall Street tente de se convaincre que la tendance haussière ne sera pas remise en cause tant que le « dix ans » se situera en-deçà des 3,6%… Quant à la FED, elle devrait relever le taux directeur à 2,25% ce mercredi.
Le marché intègre déjà quatre hausses supplémentaires au cours des 12 prochains mois, aussi la situation ne se compliquerait-elle pour les actions qu’à l’automne 2019. Toutefois, l’inversion de la courbe pourrait en fait survenir dès le début de l’année prochaine et cela enverrait un signal très négatif sur la croissance, bien avant que l’argent ne soit jugé trop cher.
Et quoi qu’en dise Donald Trump, la FED n’y peut déjà plus grand chose !