Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Déçu ou tout simplement victime de prises de bénéfices sur le « fait accompli » d’une baisse de taux de 25 points de base, la première depuis dix ans, mais qui était anticipée par 80% des opérateurs, Wall Street a vécu hier sa pire séance depuis le 31 mai. Avec toutefois des replis dans les limites de l’acceptable, puisque s’étageant entre 1,1% pour le S&P500, et 1,2% pour le Dow Jones et le Nasdaq.
Les indices américains achèvent donc le mois de juillet sur un nouveau gain, certes plus modeste que lors de la culmination historique du S&P500 à 3 028 points vendredi dernier (+0,5% pour le Dow Jones et +1,05% pour le Nasdaq), mais qui préserve la tendance haussière… Et met de nouveau en évidence la surpondération des valeurs américaines par rapport à leurs homologues de l’eurozone, le CAC40 et l’EuroStoxx50 ayant pour leur part cédé 0,9% dans l’intervalle.
Reste que Wall Street a conclu de la conférence de presse de Jerome Powell que la FED n’entamait pas, avec ce geste « préventif », un cycle de baisse du loyer de l’argent comme le réclamait Donald Trump. Qui sera probablement furieux, mais pourra se targuer d’avoir annoncé la veille que « la FED n’en fera pas assez »…
Le président de la Réserve fédérale s’est borné à concéder que cette dernière n’excluait pas de nouvelles baisses de taux. En bref, toujours cette même référence à la « data dependance », l’inflation faible étant la variable la plus surveillée, mais pas d’engagement sur un calendrier.
Le marché s’en est chargé à sa place, évaluant à 75% la probabilité d’un nouveau geste lors de la prochaine réunion de mi-septembre.
Une baisse des taux qui divise
Autre élément à prendre en compte, et de taille : cette première baisse de taux annoncée ce mercredi soir fut loin de faire l’unanimité.
Eric Rosengren (président de la FED de Boston) et Esther George (son homologue de la FED de Kansas City) se sont notamment prononcés pour un statu quo, doutant de la nécessité d’agir dès maintenant vu la robustesse de la croissance actuelle, le plein emploi, la vigueur de la consommation et le moral des ménages au zénith (comme l’enquête de l’Université du Michigan vient de le démontrer de façon éclatante). Mi-juillet, Richard Clarida, vice-président de la FED et bras droit de Jerome Powell, s’était déjà montré peu convaincu de l’urgence d’une baisse de taux.
Cette cacophonie et les explications embarrassées de Jerome Powell mercredi soir face aux questions de la presse ont visiblement alimenté un certain malaise, traduit de manière flagrante par l’envol du baromètre du stress, le « VIX », de 16% vers 16,20.
Un manque de catalyseurs haussiers
Preuve supplémentaire de ce malaise : le gonflement des volumes à 9 milliards de titres échangés, contre 6,2 milliards en moyenne en début de semaine. Un bon révélateur de la défiance des investisseurs, avec in fine des prises de bénéfices d’autant plus fondées que les indices américains sont en territoire record et manquent de catalyseurs pour aller plus haut. La réunion sino-américaine de Shanghai s’est ainsi achevée prématurément et la reprise des pourparlers commerciaux entre Washington et Pékin est désormais remise à début septembre, chacune des deux parties accusant l’autre de multiplier les volte-face pour tenter de prendre un avantage indu, ce qui ne peut que faire capoter les négociations…
Les places européennes, qui ont timidement rebondi après le petit trou d’air de mardi (+0,15% en moyenne), affichaient de leur côté un repli plutôt modéré, de l’ordre de 0,6% en moyenne, ce qui n’est certes pas très spectaculaire mais a suffi à confirmer l’inversion de polarité survenu le 30 juillet.
Le CAC40 a enfoncé brièvement les 5 493 points en fin de soirée, la vigilance s’est imposée, le drapeau jaune a été sorti, tout le monde a levé le pied, mais la course aux records absolus n’est pas encore stoppée. Le drapeau rouge serait abaissé en cas de remontée des taux, mais c’est tout l’inverse qui s’est produit mercredi avec des nouveaux records historiques sur le Bund à -0,44% et sur nos OAT à -0,186%, en sus d’une détente non moins impressionnante sur les T-Bonds américains de 2,06% vers 2,007% en l’espace d’une demi-journée (15H30/22h30).
La FED pourrait néanmoins avoir réussi son exercice de communication s’il s’avère qu’elle s’est montrée suffisamment ambiguë pour permettre à chacun de continuer de croire à son scénario favori…