Cette fin d’année est également l’occasion de décerner les bons et les mauvais points. Les tentatives du Japon pour sortir de la déflation sont vaines, il est le grand perdant de 2017. La Pologne a commis un faux pas en décidant de baisser l’âge de départ à la retraite, une mesure qu’elle ne pourra pas financer sans hausse de la fiscalité. Enfin, leçon retenue pour l’Egypte qui s’oriente un peu plus vers le chemin des réformes.
APAC: le pari raté du Japon
Le principal perdant de cette année est le Japon. L’inventivité en termes de politique monétaire du Japon et le nouveau plan de relance du gouvernement dévoilé en août dernier n’auront, une fois de plus, pas porté leurs fruits. Depuis le début de l’année, tous les actifs japonais sont dans le rouge : USDJPY -9%, Nikkei -6%, Topix -8%, taux de rendement à 2 ans des obligations souveraines -0,1%, à 10 ans -0,2% et à 30 ans -0,7%. C’est la preuve que les investisseurs ne croient pas à la capacité du Japon de sortir durablement de la déflation.
D’ailleurs, le fait que la banque centrale ait repoussé son objectif d’inflation après avril 2018, qui correspond à la fin du mandat de Haruhiko Kuroda, est un aveu d’échec cuisant. L’inflation est bien là, mais elle n’est pas auto-entretenue car elle ne concerne pas l’ensemble de l’économie. Ce sont principalement les grandes entreprises qui ont contribué à la hausse des salaires ces dernières années (hausse moyenne de 2,14% cette année contre 2,38% un an plus tôt ; le ralentissement constaté actuellement étant essentiellement dû à la hausse du yen qui a pesé sur les profits). Les petites et moyennes entreprises n’ont pas joué le jeu car elles en ont été empêchées. Les grandes entreprises ont accepté d’augmenter les salaires mais ont cherché à restaurer leurs marges en contraignant leurs fournisseurs à maintenir des prix très bas empêchant ainsi toute hausse des salaires à leur niveau. Le problème du Japon n’est pas économique, il est politique. Le Premier ministre Abe doit profiter d’avoir un parti en ordre de marche pour peser de tout son poids sur les keiretsu afin qu’ils acceptent de puiser dans leurs immenses réserves de cash pour réduire la pression sur les PME et investir. C’est certainement l’une des rares options encore sur la table pour aboutir à une inflation auto-entretenue.
Europe Centrale et Orientale: l’erreur de parcours de la Pologne
En cette fin d’année, le Japon et l’Italie ne sont pas les seuls pays en mauvaise position. Longtemps considérée comme un bon élève, la Pologne a commis une erreur de parcours qui pourrait lui coûter cher. La décision d’abaisser de nouveau l’âge de départ à la retraite, le faisant passer de 67 ans pour tous à 65 pour les hommes et 60 ans pour les femmes, est une mesure populaire mais qui, dans les conditions actuelles, n’est pas financée et va entraîner inévitablement une hausse de la fiscalité. Celle-ci pourrait, par ricochet, fragiliser la consommation qui tient à bout de bras la croissance polonaise alors que le secteur de la construction connait une décélération massive depuis plusieurs mois, comme en Hongrie, et que l’investissement est inhabituellement bas du fait de la lenteur du déblocage des fonds européens.
La Pologne, comme la plupart des pays d’Europe Centrale et Orientale, considère que cette phase est transitoire. Rien n’est moins certain. En effet, à part pour les consommateurs, tous les indicateurs de confiance sont stagnants voire en léger déclin, comme la confiance industrielle.
L’économie est en phase de nette décélération et il est vraisemblable que l’objectif du gouvernement d’atteindre une croissance de 3,4% cette année (contre une estimation initiale à 3,8%) soit un vœu pieux. Une hausse du PIB de seulement 3% cette année parait beaucoup plus crédible. Dans ces conditions, la hausse des taux qu’a laissé entrevoir récemment la banque centrale s’éloigne. Si le ralentissement actuel se poursuit, comme on peut le craindre, elle pourrait même être contrainte de réfléchir à un assouplissement monétaire en 2017.
MENA: l’Egypte a bien retenu la leçon
Enfin, au niveau des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, il y a un pays qui tire son épingle du jeu en cette fin d’année et semble tirer les leçons du passé: l’Egypte. Le pays a décidé d’abandonner l’ancrage de sa monnaie au dollar américain au début du mois de novembre, conduisant à une dépréciation d’environ 100% de la livre égyptienne sur le marché officiel.
Il s’agissait d’une condition requise par le FMI pour qu’il obtienne une ligne de crédit de 12 milliards de dollars auprès de l’organisation internationale. A court terme, cela signifie une inflation plus forte (sachant qu’elle a déjà augmenté dans la foulée de la dévaluation de mars dernier) et un risque de troubles sociaux plus élevé. Cependant, il s’agit d’un moindre mal. Il faut bien comprendre que le pays n’avait pas d’autre choix. Le coût économique de l’ancrage au dollar américain était énorme puisque cela impliquait d’avoir une politique monétaire restrictive qui comprimait la demande agrégée. Le flottement de la monnaie égyptienne va permettre de faire redémarrer à moyen terme la demande interne et de développer l’économie à condition que le gouvernement s’oriente aussi sur le chemin des réformes en réduisant les entraves au commerce et en privatisant les entreprises publiques qui ne sont ni efficaces ni productives avec le système actuel. L’Egypte semble avoir compris une règle de base de l’économie : un pays avec des institutions politiques faibles et une économie faible doit avoir une monnaie faible. Il faudra maintenant éviter que la banque centrale ne soit de nouveau tentée d’intervenir sur le marché des changes pour pousser la hausse la livre. La priorité est de maintenir un taux de change stable, autour de 17 livres pour un dollar US.