Avec les premiers signes de ralentissement de la croissance chinoise l'été dernier, le secteur du luxe s'interroge sur son avenir. Focus sur LVMH (PA:LVMH), Kering (PA:PRTP) et Richemont (SIX:CFR).
Fragilisées par les conséquences de la guerre commerciale sino-américaine, les actions des grands acteurs du secteur sont devenues plus volatiles et plus sensibles à la moindre mauvaise nouvelle. C'est Apple (NASDAQ:AAPL) qui le premier a déclenché cette inquiétude, en avertissant sur le ralentissement de ses ventes en Chine. Car la clientèle chinoise pèse lourd, avec près de 30% de ventes du secteur, de l’avis unanime des consultants internationaux spécialistes de la question.
Un chiffre dont ils prédisent pourtant le potentiel de progression à 45% d'ici 2025.
Facteurs de fragilisation à court terme
A court terme, le secteur semble néanmoins sous pression, d'autant que l'économie mondiale entre en phase de ralentissement. Une phase notoirement peu propice aux achats de biens discrétionnaires. Ralentissement de la croissance chinoise et guerre commerciale Chine-USA ne sont pas les seuls vents contraires auxquels le secteur du luxe doit faire face selon les analystes de la société Exane.
Ils y ajoutent les nouvelles dispositions légales concernant les "daigou", ces "personal shoppers" dont l'activité est d'acheter à l'étranger des biens de luxe qu'ils revendent ensuite en Chine, souvent en ligne, sans facture et sans déclaration de douane. Depuis le 1er janvier de cette année, une nouvelle loi sur l'e-commerce impose aux "daigou" de disposer d 'une licence de vente et de fournir des factures à leurs clients. De quoi freiner la frénésie d'achat des biens de luxe, en tout cas sans doute pour la classe moyenne.
Pour 2019, Exane prévoit une hausse de 4% des ventes, en retrait par rapport à 2018. D'autres estiment que les ventes croîtront de 6% à 7%. Quoiqu'il en soit, une saine normalisation face à une croissance exceptionnelle en 2017, dûe à la "resynchronisation" des taux de crioisance dans le monde.
Les grands noms du luxe encaissent d'ailleurs le coup avec des performances de l'ordre de -10% à près de -18% pour certains depuis fin août 2018.
"Millennials", clientèle asiatique et ventes en ligne : les raisons d'y croire
Pour autant, ces performances négatives peuvent, pour ceux qui continuent à croire dans ce secteur, constituer d'intéressants points d'entrée. Car les raisons d'y croire ne manquent pas.
Les consultants partagent la même opinion : classe moyenne chinoise et génération "Millennials" seront les relais de croissance du futur. S'y ajoute le développement exponentiel des ventes en ligne auxquelles les acteurs du luxe se sont mis, bon gré mal gré.
Plusieurs estimations voient la croissance des dépenses dans la consommation de luxe atteindre 390 milliards d’ici 2025 (à taux de change constant) contre une valeur d’environ 280 milliards l’année dernière, soit une croissance annuelle de près 6%. Une chiffre à mettre en perspective avec le taux de croissance moyen des pays européens de moins de 2%.
Et les investisseurs obligataires : franchiraient-il le pas vers les actions ?
Pas facile d'investir en obligations dans le secteur du luxe. Nous mentionnons dans notre article du 25 janvier l'obligation 2025 de l'émetteur Samsonite (MU:1SO). L'entreprise avait connu des difficultés récemment suite à des problèmes de gouvernance, qui semblent appartenir au passé.
Peu d'autres opportunités car avec des rendements très faibles, les obligations des acteurs vedettes LVMH, Kering et Richemont par exemple, ne sont pas très rémunératrices. Pourquoi pas dès lors investir dans les actions ?
Focus sur Kering, LVMH et Richemont
LVMH et surtout Kering ont bien résisté. Ces deux valeurs sont plebiscitées par différents analystes avec des cours "target" en moyenne 35% plus élevés qu'aujourd'hui à échéance des 12 prochains mois. Leur valorisation, que l'on pourrait considérer comme chère sur une base historique, sont toutefois plus ou moins ligne si l'on intègre les valorisations plus récentes qui avaient explosé.
Kering ( Ex Pinault Printemps Redoute ou PPR)
Kering a un portefeuille de maisons (*) dont Gucci est redevenu le fer de lance, avec près de 60% des ventes. Après une perte de vitesse il ya quelques années, la marque a bénéficié d'un véritable plan de relance en 2015. Ce plan porte ses fruits, notamment grâce à une grande présence sur le réseau Instagram, chouchou des fashionistas.
En terme de produits, la maroquinerie assure plus de 50% du chiffre d'affaires devant le prêt-à-porter qui compte pour 16%.
Une ombre au tableau : selon le journal Les Echos, le fisc italien pourrait réclamer €1,4 milliard au groupe Kering suite à une enqête fiscale du parquet de Milan en curs depuis 2017. Kering est soupçonné d'avoir facturé via sa filiale en suisse LGI des actvités effectuées en Italie, avec pour objectif de diminuer la pression fiscale. Les années 2011 à 2017 seraient concernées. Le groupe se dit confiant quant à l'issue de cette enquête.
LVMH
LVMH qui publie ses résulats le 29 janvier prochain sera évidemment sous la loupe. Avec 70 maisons, 42,6 milliards de chiffres d'affaires et plus de 4.000 boutiques, le Groupe est le numéro 1 mondial du luxe et sans doute le plus diversfié. Ce sont la mode et la maroquienerie qui se taillent la part du lion. Le Groupe continue sa diversification dans l'hôtelerie de luxe avec l'acquisition récente de la chaîne Belmond, ses 46 hôtels et ses activités dans le voyage de luxe, pour une valeur de 2,8 milliards d'euros.
Le Groupe de Bernard Arnault a aussi décidé semble-t-il de renoncer à la dénomination "Luxe", estimant le terme galvaudé. De plus, avec le mouvement de contestation des gilets jaunes, il devient le symbole emblématique d'une scission entre l'élite et la classe moyenne qui justement se sent déclassée.
Retour donc à ce qui fait l'essence du luxe : le savoir-faire, l'exclusivité, les traditions mais aussi l'ancrage la modernité pour séduire la génération des "millénials". Ceux-ci sont sans aucun doute la cible du partenariat que LVMH vient de signer avec la chanteuse Rihanna pour la création d'une ligne de vêtements à son nom.
D'aucuns voudront peut-être attendre la publication des chiffres de 2018 qui aura lieu le 29 janvier prochain avant d'investir : rien n'empêche toutefois, si l'on veut se positionner sur la valeur, de procéder à des achats par tranches en vue de répartir son risque à la hausse ou à la baisse.
Richemont
Terminons avec le Groupe Richemont plus petit et connu du grand public surtout pour ses maisons dans la joaillerie et l'horlogerie haut de gamme. Le chiffres d'affaires en à €10,7 milliards pour un résultat opéraionnel de € de 1,8 milliard.
Il est pointé par plusieurs analystes comme la cible d'une OPA, notamment par le Groupe de François Pinault, Kering.