Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Un « no deal Brexit » pourrait avoir de graves conséquences économiques, en particulier bien sûr pour le Royaume-Uni. Une perspective que les investisseurs ne considèrent pas, du moins pour le moment.
La semaine passée s’est achevée sur une consolidation d’un peu moins de 0,7% à Wall Street et de 1,8% sur les places européennes, un reflux tout relatif après la hausse de 24% du CAC40 depuis le 30 octobre. Il reste donc 92,5% à la Bourse de Paris, de quoi permettre aux « bulls » de dormir tranquilles et d’envisager les cinq dernières séances qui nous séparent de la séance des « 4 sorcières » avec une sérénité certaine.
Le CAC40 dessine certes l’ébauche d’un rounding-top sous les 5 610 points, mais en cas de rebond de 0,8% ce lundi, ce qui est plausible quand on sait que ce jour de la semaine est devenu propice à une annonce euphorisante en matière de vaccin contre le Covid-19, le danger pourrait être écarté.
Par ailleurs, les marchés sont dans la dernière ligne droite des habillages de bilans de fin d’année, des opérations destinées à embellir les portefeuilles en faisant figurer les titres stars de l’année écoulée parmi les plus grosses lignes (la gestion indicielle le fait automatiquement), avec également un rééquilibrage en faveur des titres « value » qui rendra l’exercice moins fastidieux qu’il y a 12 mois, quand il n’y en avait que pour les « technos ».
Dans l’immédiat, le Nasdaq affiche un gain de 38% depuis le 1er janvier (+42% à compter du 14 décembre 2019) déjà supérieur de 10% à celui de l’an passé. Cette performance doit certes être minorée d’un repli de 8,5% pour un gérant exerçant en zone euro, mais cela laisse un confortable +35 %. Symétriquement, le repli de 7,9% du CAC40 se traduit par un gain de 0,6% pour un gérant installé outre-Atlantique, soit grosso modo le même que pour un gérant basé à Londres.
Ce n’était pas le cas il y a de cela une semaine, mais la livre a accéléré sa chute alors que les derniers pourparlers entre Londres et Bruxelles sont venus s’ajouter à une interminable série d’échecs depuis le vote du Brexit. La devise britannique a en réalité décroché dans le sillage d’une chute de 18 points de base de sa rémunération en l’espace d’une semaine, vers 0,172%, alors que la BoE (Bank of England) a indiqué réfléchir avec les banques britanniques à l’instauration de taux d’intérêt négatifs en dépit de dénégations à ce sujet il y a encore un mois.
L’inquiétude de Morgan Stanley (NYSE:MS)
Peut-être que l’institution se contentera d’emboîter le pas de la BCE en abaissant le taux de prises en pension des réserves des banques, mais cela risque de n’avoir que peu d’impact. Ces mêmes réserves sont en effet déjà basses, ce pour deux raisons: elles font peu de marge, avec des taux proches de zéro, et l’appétit spéculatif sur les marchés est tel que l’essentiel des liquidités disponibles est absorbé par des achats à crédit d’instruments financiers.
Bref, le Royaume-Uni risque d’atteindre le 31 décembre sans avoir conclu d’accord avec l’Europe sur la compensation des produits dérivés, ce qui poserait de grosses difficultés à la City. Et tandis que les médias traditionnels multiplient les reportages consacrés aux conflits sur les zones de pêche (92% des pêcheurs britanniques ont voté pour le Brexit, mais leur secteur ne pèse que 0,2% du PIB, soit environ 1 Md£), ce sont des centaines de milliards qui seront en jeu si la circulation des flux financiers devait être entravée.
Un « no deal Brexit » signifierait en outre l’application – par défaut – des règles de l’OMC et par extension de sérieuses complications pour les échanges financiers qui passent actuellement par Londres et pourraient se détourner en faveur de New York.
La Banque d’Angleterre estime que la plupart des risques ont été « contenus », mais ce n’est pas l’avis de Morgan Stanley, qui anticipe pour sa part une baisse de 6 à 10% de la Bourse de Londres. Les actions des valeurs bancaires pourraient quant à elles lâcher de 10 à 20%, valeurs qui pourraient aussi, si rien ne change d’ici les 15 prochains jours, perdre leur « passeport européen », sésame leur permettant de vendre leur produits et services financiers dans l’UE sans restriction.
Au bout du compte, seule la continuité des contrats déjà conclus est garantie, mais la suite s’annonce beaucoup plus compliquée… et c’est sans doute pourquoi les marchés font mine de ne pas s’en soucier.
D’ailleurs, qu’est-ce qui constitue un souci pour les marchés aujourd’hui ? Ils sont vaccinés depuis le 9 novembre contre toutes les mauvaise nouvelles ! Attention tout de même aux maladies auto-immunes, contre lesquelles les investisseurs ne sont pas (encore ?) vaccinés.