Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Les « 3 sorcières » du 17 avril se sont transformées en un rocambolesque conte de fées : le Dow Jones (+3%) a clôturé le terme boursier d’avril au plus haut.
En terme de performance mensuelle, il recolle in-extremis au Nasdaq-100 (+0,8% « seulement » vendredi), lequel engrange +26,5% en 4 semaines (un record absolu)… et qui parvient à repasser positif de +1% sur l’année 2020.
Le message est clair : avec de l’argent magique en mode « no limit », avec la FED aux commandes et qui pilote la valorisation de toutes les classes d’actifs, la crise du Covid-19 a cessé d’exister, le “Grand Confinement” n’a jamais eu lieu.
La valorisation de Wall Street se rétablit comme si l’économie n’allait définitivement pas ralentir, comme si les “buybacks” allaient continuer de doper artificiellement les dividendes, comme si la visibilité restait tout aussi limpide à l’horizon 2024 (en supposant un second mandat de Donald Trump dans la même veine que le 1er) qu’au soir du 31 décembre 2020.
Le PER du S&P500 remonte brutalement de 14,3 vers 18,5, c’est-à-dire les niveaux records de fin décembre 2019, uniquement justifiables par une spectaculaire amélioration des conditions économiques (hausse de la croissance, chute des niveaux d’endettement) de 2020 à 2024 (voir graphique ci-dessous).
Et comme ce vendredi fut la journée des paradoxes, l’effondrement du pétrole de -10% sous les 18$ (au plus bas depuis avril 1999) s’est accompagné d’une flambée historique des valeurs pétrolières qui explosaient de plus de 10% en moyenne.
Pour résumer, un marché purement Orwellien où « le Nord c’est le Sud, la faillite c’est la prospérité, l’obscurité rayonne plus fort que la clarté »
Mais ne vous laissez pas abuser : le « miracle » de ce vendredi correspond à un événement de marché parfaitement scénarisé.
Tout avait commencé dans la soirée de jeudi par la publication d’un article sur le site de Barron’s (un média considéré comme une quintessence de sérieux et de fiabilité) qui publia une « brève » indiquant que 125 patients auraient été apparemment “guéris” (le rapport évoque une “amélioration rapide” de l’état des malades) par le Remdesivir (développé par Gilead (NASDAQ:GILD) qui a bondi de +10%) alors que de nombreux tests précédents n’attestaient d’aucune efficacité de ce médicament sur le Covid19…
Des études antérieures menées dans le cadre d’essais cliniques du Remdesivir visant à évaluer son action inhibitrice sur le VIH n’ont pas permis d’établir non plus une quelconque efficacité…
Tranchant avec le scepticisme qui prévalait jusqu’ici concernant d’autres traitements aux résultats apparemment plus « convaincants », Wall Street a étrangement fait mine de prendre très au sérieux cette piste du Remdesivir…
Ceux qui ont participé à notre « Live » avec les abonnés de la Lettre Confidentielle vendredi dernier connaissent le fond de ma pensée : le « remdesivir » ne fut qu’un prétexte -un alibi- permettant de couvrir une « opération de marché » (cela s’appelle une manipulation de cours) programmée depuis plusieurs jours et qui serait apparue trop manifeste sans l’article de « Barron’s » (et dont le contenu ne résiste pas à 2 minutes de travail de documentation sur Internet, et encore moins à l’analyse de virologues compétents).
Nous n’en sommes néanmoins pas au 1er enfumage qui « passe crème » depuis 10 jours : rappelez-vous la fake News de Reuters du 9 avril annonçant la signature d’un accord de réduction de 20 millions de barils (qui avait fait flamber le WTI de +40% en quelques minutes) démentie 2 heures plus tard par le communiqué final de l’OPEP officialisant un montant de seulement 10 millions de barils.
Une semaine plus tard, le baril de WTI inscrivait un nouveau « plus bas » de 17,3$, niveau jamais revu depuis avril 1999.
Pendant ce temps, Goldman Sachs (NYSE:GS) dégrade l’action Apple (NASDAQ:AAPL)
Tentons de recoller un peu à la réalité grâce à Goldman Sachs (non, ce n’est pas de l’humour noir !) : la firme conseille désormais de vendre Apple, estimant que le ralentissement économique pourrait freiner les dépenses des ménages plus sévèrement que prévu.
Dans un tel contexte, remplacer un appareil qui fonctionne parfaitement ne semble plus une priorité.
Voilà un raisonnement qui peut s’étendre à beaucoup de secteurs tels que l’automobile, l’électro-ménager, l’équipement des résidences secondaires… et qui nous invite à mettre en doute les scénarios de rebond « vigoureux » de la croissance d’ici fin 2020 qui circulent à la Maison Blanche.
Alors que Donald Trump semblait faire preuve de pragmatisme dans son discours de jeudi soir (« que chacun fasse ce qu’il à faire en fonction des éléments dont il dispose, la santé des salariés d’abord »), dès le lendemain, il twittait que ceux qui tardaient à relancer l’activité sabotent la croissance, citant comme par hasard les gouverneurs démocrates du Michigan, du Minnesota et de la Virginie.
Saboter la croissance, cela signifie surtout saboter ses chances de réélection.
Mais revenons-en à Apple car nous n’en avions pas tout à fait fini.
La question cruciale est : la marque à la pomme va t-elle continuer ses “buybacks” (rachats d’actions) comme si de rien n’était (une véritable “cash machine” pour ses actionnaires) alors que la moitié des entreprises du S&P500 ou du Nasdaq, trop endettées, vont devoir y renoncer pour très longtemps ?
En conclusion : comment le Nasdaq-100 peut-il afficher un score positif depuis le 1er janvier si l’évolution des marchés n’est pas complètement falsifiée par de multiples opérations de manipulation des cours à grande échelle ?
Nouvelle démonstration que les banques centrales ont une aversion encore pire que celle au Covid-19 : une aversion au réel ?