Le crash d'un avion de Germanwings en France "laissera des traces pour toujours" chez Lufthansa (XETRA:LHAG), a assuré mercredi le patron du groupe aérien Carsten Spohr devant des actionnaires manifestement plus préoccupés de stratégie et de finances.
Lufthansa est la maison mère de Germanwings, dont un avion s'est écrasé dans les Alpes françaises le 24 mars, faisant 150 morts. Le co-pilote de l'avion, qui avait dans le passé souffert de troubles psychologiques, a vraisemblablement délibérément provoqué l'accident.
"Toute la famille Lufthansa est en deuil", a déclaré le président du conseil de surveillance du groupe, Wolfgang Mayrhuber, à l'ouverture de la séance à Hambourg (nord). Le drame "laissera des traces dans notre entreprise pour toujours", a assuré M. Spohr, le visage grave, costume et cravate noirs.
Une minute de silence a été observée par les quelque 2.000 actionnaires, essentiellement des petits porteurs âgés, qui assistaient dans le centre des congrès de la ville portuaire à l'assemblée générale annuelle.
Un livre de condoléances, flanqué de 150 lumignons, était à disposition.
Mais les débats se sont rapidement recentrés sur les sujets de prédilection des actionnaires: les mauvais résultats financiers - un bénéfice net divisé par six en 2014 -, la suppression du dividende, la réorientation stratégique, le climat social au sein du groupe. Sans oublier les plateaux-repas ou la largeur des sièges sur les vols.
- "C'est clarifié" -
"Le 'pourquoi' du drame, ça c'est clarifié", estimait pour l'AFP Jens Kleinert, 78 ans, actionnaire de longue date de Lufthansa, venu en voisin. Pour lui, il n'y a pas de questions en suspens sur le drame du 24 mars.
A partir du moment où il est apparu que le co-pilote à l'origine du drame, Andreas Lubitz, avait systématiquement dissimulé à son employeur ses problèmes psychologiques, Lufthansa a été largement dédouané dans l'opinion allemande.
Le débat public s'est focalisé sur les possibles assouplissements du secret médical ou le nombre de personnes à maintenir dans le cockpit des avions.
Certes, "nous sentons bien que ce n'est pas une assemblée générale normale", a reconnu mercredi à Hambourg Marc Tüngler, représentant de la fédération d'actionnaires DSW. "Je suis prêt à être moins agressif aujourd'hui", a dit cet habitué des AG en introduction de sa prise de parole, "mais les problèmes de Lufthansa sont toujours là".
"Je suis un actionnaire triste", a pour sa part déclaré Bernhard Löwenstein, petit actionnaire, dans une concession à l'humeur recueillie de rigueur. Et de poursuivre "mais je suis surtout un actionnaire énervé", avant d'égrener ses griefs.
Comme beaucoup de ses concurrentes européennes, Lufthansa doit se battre sur plusieurs fronts: les compagnies low-cost lui volent les touristes, celles du Golfe la rattrapent sur les voyages d'affaires et le segment premium.
- "Coincée" -
M. Spohr, 48 ans, a pris il y a pile un an les rênes du groupe, qui chapeaute les compagnies Lufthansa, Germanwings, Swiss, Brussels Airlines et Austrian Airlines et emploie presque 119.000 personnes. Pour contre-attaquer, il veut positionner la compagnie Lufthansa sur le haut de gamme et les liaisons transatlantiques, et transférer une grande partie des liaisons intérieures et européennes à Germanwings, aux coûts moins élevés.
Les coûts sont le gros souci du groupe, confronté aussi aux frais de renouvellement de sa flotte et aux taux d'intérêt bas qui l'obligent à provisionner plus pour les généreuses retraites de son personnel.
"Lufthansa est coincée, en termes de stratégie et de coûts", a asséné mercredi Ingo Speich, gestionnaire chez Union Investment, un fonds actionnaire.
Sur fond de réorientation stratégique, le climat social chez Lufthansa est en outre très tendu depuis un an. Le syndicat des pilotes Cockpit a organisé depuis avril 2014 pas moins de 12 grèves, qui ont coûté plus de 200 millions d'euros à Lufthansa l'an dernier, sur les six premiers mois de cette année les coûts devraient atteindre 100 millions, a indiqué M. Spohr.
Depuis le crash, Cockpit s'est abstenu de nouveaux mouvements sociaux. Le drame "nous a soudés", a affirmé le patron. Lufthansa a proposé mercredi à Cockpit de recourir à un arbitrage externe pour faire sortir les discussions de l'ornière, proposition que le syndicat a saluée.