Depuis plus d’une dizaine d’années, le secteur technologique est redevenu l’objet de rivalités fortes. En effet, car cette « tech war » n’est pas récente comme en témoignent la compétition technologique entre l’URSS et les Etats-Unis autour de la Guerre Froide ainsi que les tensions liées à la montée en puissance du Japon dans les années 80.
L’émergence de la Chine vient cependant raviver une rhétorique endormie et l’exacerbe en raison de sa taille et de ses capacités d’actions importantes. La politique de substitution systématique de technologies étrangères par des champions nationaux n’est pas une nouveauté en Chine, c’est une stratégie industrielle assumée, de même que le protectionnisme vis-à-vis des acteurs de l’internet américain comme Google (NASDAQ:GOOGL), Facebook (NASDAQ:FB) ou encore Amazon (NASDAQ:AMZN) afin de favoriser l’émergence d’ Alibaba (NYSE:BABA), Tencent ou Baidu (NASDAQ:BIDU).
La réponse des Etats-Unis, passant de plus en plus par l’interdiction de l’exportation de certaines technologies et l’instauration de tarifs douaniers, ne fera pas infléchir la stratégie chinoise, elle devrait au contraire la renforcer dans sa doctrine et accélérer son exécution. La conséquence directe des tensions actuelles sera, à moyen terme, de créer un dédoublement de la chaine de valeur dans le secteur technologique avec un circuit de fabrication chinois et un américain qui coexisteront. Indirectement cela fera perdre des économies d’échelles, mais stimulera une nouvelle forme de concurrence.
La Chine possède un marché de demande finale plus important qui pourrait bénéficier d’un meilleur effet d’échelle sur le rattrapage de la fabrication des composants semi-conducteurs par rapport à Taïwan et à la Corée, ce qui est déjà le cas dans le segment OSAT1. En parallèle, la mise en place de barrières sur la propriété intellectuelle dans le domaine de la conception des puces se multiplient et principaux éditeurs de logiciels EDA2 (Synopsys, Cadence et Mentor), tous américains, ont arrêté la coopération avec certaines sociétés chinoises.
Source : World Intellectual Property Organization – report 2018 La volonté du Gouvernement Chinois de faire de la Chine un acteur incontournable dans l’innovation est visible à la fois dans le poids croissant du pays dans les dépenses de R&D au niveau mondial (Graphique N°1) et dans le nombre de dépôts brevets (Graphique N°2). Par ailleurs, le National Integrated Circuit Industry Investment Fund Chinois, qui a levé 138 milliards de RMB (~22 milliards de USD) en 2014, a mobilisé environ 4 fois plus de capitaux du secteur privé, et a investi à hauteur de 67 % dans des fonderies, 17% dans la conception de puces, 10% dans OSAT et 6% dans les équipements et matériaux. Il a contribué à réduire l’écart technologique entre les leaders mondiaux et des entreprises chinoises telles que SMIC, YMTC, JCET, Huatian, NAURA, AMEC, etc. Le fonds a récemment clôturé son deuxième tour de table de 200 milliards de RMB (~29 milliards d’USD). La deuxième phase du fonds se concentrera davantage sur l’équipement et les matériaux de fabrication de semi-conducteurs afin de promouvoir davantage l’autarcie industrielle sur ce secteur.