Au Tricastin, le réacteur numéro un de la centrale nucléaire s'est transformé en un vaste chantier qui doit durer six mois. L'enjeu est de taille pour EDF (PA:EDF): lui permettre de poursuivre sa vie au-delà de ses quarante ans.
Mercredi "s'est terminée l'inspection de la structure de la cuve avec un dispositif robotisé", explique Cédrick Hausseguy, le directeur de la centrale du Tricastin.
Combinaison blanche intégrale et casque de protection, il observe depuis une plateforme l'énorme enceinte en acier, qui renferme le cœur.
L'inspection "se fait sous ce matelas d'eau" de plusieurs mètres, destiné à protéger les travailleurs des rayonnements, poursuit-il en désignant le liquide devenu d'un bleu lumineux grâce à un phénomène physique: l'effet Tcherenkov.
Au cœur du bâtiment réacteur, des opérateurs s'activent par petit groupes tandis qu'à l'extérieur les chariots élévateurs et camions se croisent malgré la canicule. Les travaux, qui ont commencé avec l'arrêt du réacteur début juin, doivent s'achever en novembre.
Ils seront 5.000 travailleurs mobilisés au total pour ce chantier qui va coûter 250 millions d'euros: passer la "visite décennale" des quarante ans, indispensable pour que le réacteur puisse fonctionner encore au moins dix ans.
La centrale nucléaire du Tricastin, qui se trouve dans la vallée du Rhône à la frontière de la Drôme et du Vaucluse, est l'une des plus anciennes centrales de France avec ses quatre réacteurs de 900 MW.
Le premier réacteur du Tricastin, qui avait été mis en service en 1980, est le premier des 58 exploités en France par EDF à connaître sa visite des quarante ans. L'enjeu est donc énorme pour cette opération préparée depuis trois ans.
- Après Fukushima -
Le réacteur subit d'abord une visite complète: outre le contrôle de la solidité de la cuve, sont prévus une épreuve hydraulique du circuit primaire et un test de l'étanchéité de l'enceinte, la structure en béton qui empêche des produits radioactifs de se disperser à l'extérieur en cas d'accident.
Cela s'accompagne aussi de gros travaux de maintenance, comme le remplacement du rotor de l'alternateur, qui produit l'électricité. Surtout, une série d'améliorations est entreprise pour améliorer la sûreté.
"Nous faisons des modifications sur Tricastin qui visent à la rendre aussi proche que possible, sur le plan de la sûreté, d'une centrale nucléaire neuve", souligne Etienne Dutheil, directeur de la production nucléaire d'EDF.
Au menu: l'installation d'un récupérateur de corium, un dispositif sous le cœur du réacteur destiné à récupérer le combustible fondu en cas d'accident grave. Ou encore des appareils de refroidissement et d'alimentation électrique de secours supplémentaires.
Ces précautions font directement suite à la catastrophe de Fukushima au Japon en 2011.
"L'accident de Fukushima a fortement influencé la nature des modifications que nous réalisons sur nos installations: tous les matériels neufs que nous installons sont dimensionnés à des niveaux de séismes, d'inondation, de canicule plus élevés que le design d'origine", souligne M. Dutheil.
- "Rentable" -
Au final, EDF assure que la prolongation de ses centrales sera une bonne affaire pour le consommateur malgré l'argent dépensé. "C'est une opération extrêmement rentable" qui "ne va pas conduire à une augmentation importante des factures d'électricité", promet M. Dutheil.
L'électricien compte bien exploiter la plupart de ses réacteurs nucléaires jusqu'à 60 ans, sur le modèle de ce qui se fait aux Etats-Unis ou en Suisse. Une perspective qui ne rassure pas les ONG opposées à l'atome.
"Prolonger la durée de vie des réacteurs au-delà de 40 ans comporte des risques tout simplement parce qu'ils n'ont pas été conçus pour cela: certains équipements résistent mal à l'usure, d'autres ne sont pas remplaçables, notamment la cuve", juge Roger Spautz, de Greenpeace.
"A Tricastin par exemple, le nombre de fissures de la cuve bat des records et il est évident que des rustines ne suffiront pas", estime le chargé de campagne.
EDF assure pour sa part qu'il s'agit de micro-fissures qui datent de la mise en service de la cuve et n'ont pas bougé depuis. "La cuve est surveillée" et "depuis l'origine, ces indications, qui mesurent quelques centimètres de long, n'ont pas évolué", assure Cédrick Hausseguy.