PARIS (Reuters) - Le tribunal correctionnel de Paris a décidé mardi de renvoyer à l'instruction l'affaire des délits d'initiés présumés en 2006 chez EADS, en raison d'imprécisions dans l'ordonnance de renvoi.
Le juge Serge Tournaire va donc devoir régulariser son ordonnance dans cette affaire qui vise sept anciens et actuels responsables d'EADS, rebaptisé Airbus Group, et ses deux anciens actionnaires Daimler et Lagardère.
Cette décision, rare, pourrait repousser de plusieurs mois à un an la tenue de ce procès, par ailleurs remis en question par le droit européen, selon des avocats de la défense.
"Je suis à la fois heureux et très en colère", a dit à Reuters Frédéric Peltier, avocat d'Alain Flourens, à la tête du programme A380. "C'est une victoire, mais pour mon client, je ne peux pas être satisfait."
Les prévenus, qui ont tous été blanchis en 2009 par l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour des faits similaires, estiment que ce procès n'a pas lieu d'être.
Leurs avocats ont déposé des Questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sur la légitimité de cette seconde procédure et le tribunal a décidé vendredi d'ajourner le procès, pour permettre à la Cour de cassation et, le cas échéant, au Conseil constitutionnel, d'étudier la question.
La Cour de cassation a trois mois pour décider de transmettre ou non cette question au Conseil constitutionnel, qui aura ensuite trois mois pour se prononcer.
"Entre vendredi et aujourd'hui, le tribunal a fait en sorte que tout le monde reprenne sa copie", dit Aurélien Hamelle, l'un des avocats de Daimler. "Maintenant, il faut que la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel mettent le droit français à jour de ses engagements internationaux."
CUMUL DES PROCÉDURES
S'appuyant sur un récent arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme qui a condamné l'Italie pour un système équivalent aux peines cumulées de l'AMF et du tribunal correctionnel en France, plusieurs avocats de la défense demandent au tribunal de reconnaître l'extinction de l'action publique dans cette affaire.
Pour eux, les imprécisions constatées dans ce dossier sont liées au cumul des deux procédures.
"Le juge d'instruction ayant concentré toute son attention à vouloir critiquer la décision de l'AMF, il a oublié des choses essentielles, et il y a des irrégularités", dit Frédric Peltier.
Le 4 juin dernier, l'affaire Altran où neuf prévenus étaient poursuivis pour diffusion d'information fausses ou trompeuses notamment, a elle aussi été renvoyée à l'instruction en raison d'irrégularités et d'insuffisances de l'ordonnance de renvoi.
"Ces affaires souffrent d'un mal bien français, qui est la compétition entre les autorités", estime Denis Chemla, l'un des avocats de Daimler.
Un groupe de travail interministériel et un groupe interne à l'AMF travaillent aujourd'hui à un état des lieux de la jurisprudence sur le cumul des poursuites en matière boursière.
Dans le dossier EADS, les prévenus sont accusés d'avoir cédé en 2006 des actions EADS et réalisé des plus-values importantes alors qu'ils disposaient d'informations privilégiées sur les difficultés de la société, notamment sur ses programmes A350 et A380.
Tous nient les soupçons qui pèsent sur eux. Airbus Group n'est pas poursuivi.
(Chine Labbé, avec Tim Hepher, édité par Yves Clarisse)