Les compagnies aériennes américaines commencent à répercuter la baisse du prix du kérosène sur les prix des billets d'avion mais le mouvement reste limité en raison de la priorité accordée à l'investissement et au désendettement.
"Nous observons dans l'ensemble une chute des prix sur les vols intérieurs et internationaux", affirme Patrick Surry du site Hopper, qui collecte les données instantanées des prix des billets d'avions. En 2015, les tarifs ont diminué, selon lui, de 14% sur les vols intérieurs.
Les destinations les plus concurrentielles -- Chicago, New York, Los Angeles, San Francisco -- ont enregistré les plus fortes baisses. Les prix ont aussi chuté pour les vols vers les villes pétrolières du sud -- Dallas, Houston -- où les voyages d'affaires pâtissent du ralentissement des activités.
Les vols long-courriers ont accusé une baisse de 15%, selon le département du Travail, soit la plus forte chute annuelle depuis 1987.
Les passagers se rendant en Amérique latine, région dont la croissance est en panne et les monnaies dévaluées, ont payé leurs billets d'avions près de 18% moins cher l'an dernier comparé à 2014. Les tarifs ont diminué de 14,6% sur les lignes transpacifiques. Enfin, les prix des liaisons transatlantiques ont baissé de 11,7%.
Cette baisse des tarifs devrait se poursuivre tout au long de l'année 2016, anticipe Hopper, qui table sur une diminution de 23% des tarifs vers Rio de Janeiro, qui accueille les Jeux Olympiques d'été.
"Au vu de l'environnement actuel de prix de pétrole bas, nous n'avons pas d'autre choix que de baisser nos tarifs", avance Scott Kirby, le président d'American Airlines.
- Baisse de la taxe carburant -
En un an et demi, le pétrole a perdu plus des deux tiers de sa valeur. Le kérosène étant le premier poste de dépenses des compagnies aériennes et représentant environ un tiers des coûts d'exploitation, elles ont ainsi économisé 18 milliards de dollars en 2015, auxquels vont s'ajouter 8 milliards en 2016, calcule David Fintzen, expert chez Barclays (L:BARC).
Fortes de ces économies, American, Delta Air Lines, United et les low-cost -- JetBlue, Southwest, Virgin America, Frontier -- ont diminué la "surcharge carburant" ou "YQ", une des taxes alourdissant le prix des billets d'avions dont le but est de compenser la hausse du prix du pétrole. Elle peut représenter jusqu'à 70% des tarifs.
"Nous l'ajustons en fonction du coût du kérosène", explique Glen Hauenstein, responsable des revenus chez Delta.
"Même sur les routes transatlantiques, traditionnellement chères, on commence à voir de bonnes affaires", a constaté Patrick Surry.
Il subsiste néanmoins une forte disproportion entre l'ampleur du plongeon des cours du pétrole et la baisse des billets.
Cet écart, expliquent les compagnies américaines, est à mettre principalement sur le dos des couvertures kérosène: pour se protéger de la volatilité des cours du pétrole, elles effectuent leurs achats plusieurs mois en avance et n'avaient pas anticipé une chute aussi abrupte des prix.
Les compagnies américaines, qui sont omniprésentes en Amérique latine et en Asie, essaient aussi de combler le manque à gagner généré par le dollar fort sur les lignes transpacifiques et latino-américaines.
Après des années de bénéfices mous en raison de la Grande récession, la tendance est à choyer les actionnaires en gonflant les bénéfices tout en préparant l'avenir via l'achat d'avions neufs. Il faut aussi se désendetter et revaloriser des salaires notamment ceux des pilotes, devenus denrées rares sur les lignes régionales.
"En 2015, nous avons remboursé par avance 1,2 milliard de dettes", indique Gerry Laderman, directeur financier d'United, qui vient de passer une commande de 3,2 milliards de dollars pour 40 appareils 737 à Boeing (N:BA).
"Les compagnies aériennes américaines vont connaître une autre année historique en termes de rentabilité", prédit David Fintzen. Elles devraient dégager 15,7 milliards de dollars de profits pour 2015, soit la moitié des 29,3 milliards pronostiqués pour l'ensemble des compagnies dans le monde, selon l'IATA, le lobby du secteur. En 2014, celles-ci avaient vu leurs bénéfices s'élever au total à 16,4 milliards.