Le gouvernement grec se débattait mercredi dans une partie serrée avec ses créanciers privés à la veille de l'expiration du délai qui leur a été donné pour avaliser l'effacement d'une partie de la dette souveraine grecque, sans lequel le pays est menacé d'une faillite désordonnée.
Des plus petits porteurs de titres grecs, entraînés à corps défendant dans ce grand jeu financier, aux plus grandes banques internationales, la tension montait, alimentant déclarations contradictoires et nervosité boursière, la Grèce officielle jouant le chaud et le froid.
Sauf prolongation de dernière minute, exclue par Athènes, le verdict doit tomber jeudi à 20H00 GMT pour les obligations de droit grec, environ 88% du total des près de 206 milliards de titres concernés, un délai supplémentaire courant jusqu'au 11 mars pour celles de droit étranger.
Mardi, l'Agence grecque de gestion de la dette publique (PDMA) a haussé le ton: "le programme économique grec n'envisage pas la mise à disposition de fonds pour rembourser les créditeurs du secteur privé qui refusent de participer" à l'opération, visant à effacer 107 milliards d'euros de dette grecque, a-t-elle mis en garde dans un communiqué.
Pour le quotidien Kathimérini, Athènes a ainsi averti les créanciers rétifs qu'ils s'exposaient au final à des pertes quasi-intégrales de leurs mises, au lieu de limiter les dégâts autour de 73%, comme prévu par les termes de l'opération.
Mercredi, alors que les médias égrenaient des listes d'institutions financières étrangères ayant annoncé leur ralliement, un porte-parole du gouvernement, Georges Stavropoulos, a fait part de son optimisme: "je crois que tout ira bien, les informations que nous avons sont positives", a-t-il affirmé à la radio Skaï.
L'opération "devrait se dérouler sans accroc" car "elle reste intéressante financièrement pour le secteur privé", a aussi affirmé le commissaire européen aux Affaires économiques et financières Olli Rehn dans un entretien publié mercredi par le quotidien français Le Figaro.
L'enjeu pour la Grèce et la zone euro est d'assurer une participation d'au moins 75% des banques et fonds prêteurs à la restructuration, faute de quoi l'opération serait annulée, exposant le pays à la banqueroute dès le 20 mars, à l'expiration d'obligations d'un montant de 14,5 milliards d'euros.
Selon un rapport de l'Organisation bancaire internationale, qui a mené les négociations sur l'opération, dite PSI, au nom des créanciers privés, le choc ébranlerait toute l'économie européenne et mondiale. Opportunément dévoilée lundi, l'étude chiffre à 1.000 milliards le coût d'une banqueroute grecque.
Sur le front intérieur, les pressions du gouvernement se sont avérées partiellement payantes: à l'issue d'une réunion avec les directions des six principales banques du pays, le ministre des Finances, Evangélos Vénizélos, s'est prévalu mardi soir de les avoir convaincues d'apporter tous leurs titres.
Selon les médias, certains de ces établissements voulaient notamment exclure des prêts obligataires accordés aux entreprises publiques, pour un montant allant jusqu'à 7 milliards d'euros.
Restent cinq caisses de retraites d'assurances grecques contrôlant 2 milliards d'euros, dont celle des forces de l'ordre et celle des journalistes, qui ont décidé de bouder l'opération, leurs directions corporato-syndicalistes n'accordant aucun crédit aux promesses du gouvernement de compenser les pertes prévues, et redoutant des coupes dans les prestations.
Une quarantaine de policiers manifestant en uniforme occupaient mercredi matin les locaux de leur caisse à Athènes en soutien à cette décision. "Non au pillage des fonds", proclamait une banderole déroulée sur la façade du bâtiment.
Sept autres caisses ont toutefois dit oui, apportant 2,7 milliards, tandis que deux autres doivent encore se prononcer sur 1,7 milliard.
Le gouvernement a minimisé l'impact de la bronca, qui concerne 1% du total des titres en jeu au niveau mondial, d'autant qu'il a déjà prévenu que pour les titres relevant de son droit national, il aurait recours à des clauses d'action collective (CAC) contraignant les créanciers rétifs à suivre le mouvement.
Le ministre des Finances, Evangélos Vénizélos, s'est toutefois ému de l'effet produit: "Le marché international trouve l'offre lucrative, quel message envoyons-nous donc?", a-t-il lancé dans un entretien à la radio Realfm.