Aux commandes d'Airbus pendant plus de dix ans, Fabrice Brégier, 56 ans, est un polytechnicien exigeant et ambitieux, véritable cheville ouvrière de la branche aviation du géant européen avec à son actif le développement de l'A350, le dernier-né de ses gros porteurs.
M. Brégier, dont le départ a été annoncé en décembre, devrait effectuer mardi à Toulouse sa dernière apparition au nom d'Airbus, au lendemain de la prise de fonction de son successeur, Guillaume Faury. Il s'agira de livrer le premier A350-1000, version allongée du bimoteur.
D'un abord plutôt réservé, le dirigeant, dont rien n'a filtré sur les projets après Airbus, préfère le tarmac aux dîners en ville et ne cultive pas particulièrement les réseaux.
Mais au sein d'Airbus Aviation Commerciale, il gardait une emprise sur tout: de l'ingénierie à la production en passant par les essais en vol et la commercialisation, avec pour atout son immense expérience opérationnelle.
"L'histoire récente d'Airbus avec ses grands développements, c'est lui", résume un cadre de l'entreprise, citant le développement de l'A350, dont il a relevé le défi d'une entrée en service en 2014, et la montée en cadence de production de l'A320neo, le moyen-courrier vedette de l'avionneur européen, rendue compliquée par des problèmes moteurs.
Entré comme directeur général délégué en 2006 chez EADS, devenu en 2014 Airbus Group (PA:AIR), il est nommé directeur général d'Airbus en 2007 puis en juin 2012 prend officiellement ses fonctions de président en remplacement de Tom Enders, devenu numéro 1 du groupe EADS.
En janvier 2017, au terme d'une fusion d'Airbus Group et de sa branche d'aviation commerciale, il devient directeur général délégué de la nouvelle entité et reste patron de la branche aviation commerciale.
Son obsession, c'est la performance et la compétitivité face au concurrent américain Boeing (NYSE:BA).
Travailleur infatigable, il multiplie les visites au Japon pour y développer la présence d'Airbus dans un marché tenu par Boeing jusqu'en 2011, et développe la coopération industrielle avec la Chine, deuxième marché de l'aviation après les Etats-Unis.
Il est apprécié par les clients-patrons de compagnies aériennes et tisse des relations de confiance avec eux, y compris avec les plus durs en affaires comme Akbar Al Baker, le patron de Qatar Airways, premier client de l'A350-1000.
Fils d'un professeur de physique et d'une mère au foyer, il grandit dans les cités de Dijon et fait ses classes prépa dans sa ville natale. Ce n'est qu'à l'âge de 20 ans qu'il prendra l'avion pour la première fois.
L'aéronautique n'était pas une vocation. Ingénieur diplômé de l'Ecole des Mines et de Polytechnique, Fabrice Brégier est plutôt attiré par le monde des hautes technologies.
- 'La frappe chirurgicale' -
Il travaille d'abord dans les ministères, entre autres comme conseiller technique. En 1993, il entre chez Matra-Défense. Il gravit rapidement les échelons et prend en 1998 la tête de Matra BAe Dynamics (missiles), né de la fusion de Matra-Défense et de BAe Dynamics et dont il fera l'actuel fabricant de missiles européen MBDA. Une consécration alors qu'il est âgé de 36 ans.
En 2003, il est nommé président d'Eurocopter.
Sur le plan relationnel, le contact est de prime abord plutôt froid. Une attitude que ses collaborateurs attribuent à une certaine timidité même si d'autres le décrivent comme "très drôle et chaleureux". Mais il peut aussi "avoir des mots durs". Ses accès de colère sont redoutés.
"Il a du mal à supporter la médiocrité", ses répliques s'apparentent à des "frappes chirurgicales" et "ce qu'il ne supporte pas par dessus tout, c'est qu'on lui raconte des bobards", témoigne l'un d'eux.
Longtemps la collaboration avec Tom Enders se passe plutôt bien, même si les relations entre les deux hommes de pouvoir ne sont pas forcément aisées.
A partir de 2016, elles se tendent sur fond de guerre de succession et d'enquêtes liées à des irrégularités sur des ventes, jusqu'à la rupture, brisant définitivement les ambitions de Fabrice Brégier de remplacer Tom Enders.
Le 15 décembre 2017, le conseil d'administration annonce son départ.
Il est également membre du comité exécutif d'Engie (PA:ENGIE) depuis 2016.
De sa vie privée, peu de choses filtrent. Il est amateur de musique classique et de football. Il est père de trois enfants et a rencontré sa femme actuelle Tatiana, ancienne interprète de russe, à un salon de l'aéronautique du Bourget.