La croissance a bien été nulle en France au deuxième trimestre, d'après l'Insee, mais cette contre-performance n'est pas un coup d'arrêt selon des économistes, d'autant qu'elle cache de bonnes nouvelles sur le plan budgétaire.
L'Institut national de la statistique et des études économiques a confirmé mercredi que le Produit intérieur brut (PIB) de la France avait stagné entre avril et juin, après avoir progressé de 0,7% les trois mois précédents.
Il a néanmoins revu à la hausse l'acquis de croissance pour 2015, à 0,9% contre 0,8% lors de la précédente estimation en août. C'est-à-dire que si la croissance est nulle aux deux prochains trimestres, elle sera de 0,9% pour l'ensemble de l'année 2015. L'Insee explique cette révision par un léger mieux notamment observé au troisième trimestre 2014 par rapport aux premières estimations.
Par ailleurs, l'Institut a révisé, à la baisse cette fois, le déficit public (Etat, protection sociale et collectivités territoriales) pour 2014, qui s'établit désormais à 3,9% du Produit intérieur brut (après 4%). Autant d'efforts de moins à prévoir pour le gouvernement dont l'objectif est de l'abaisser à 3,8% en 2015 puis 3,3% en 2016 avant de passer sous la barre des 3% en 2017 pour tenir ses engagements européens.
Cette révision "correspond à une amélioration de quelques centaines de millions d'euros en 2014, ceci conforte notre capacité à tenir les cibles que nous nous sommes données", a déclaré à l'AFP le ministre des Finances Michel Sapin en répétant que la croissance serait bien de 1% en 2015, malgré le mauvais résultat du deuxième trimestre.
Selon les Echos en outre, le gouvernement devrait revoir à la baisse sa prévision de dette publique en 2016, "autour de 96,5%" du PIB et non 97% comme annoncé en avril. Côté économies, la charge de la dette sera également moindre que prévu, à 44,5 milliards d'euros au lieu de 47,7 milliards.
"Le gouvernement devrait boucler très facilement son budget", juge Olivier Passet, directeur des synthèses économiques chez Xerfi, qui prévoit néanmoins une certaine discrétion de la part de l'exécutif pour faire voter encore plus de 20 milliards d'euros d'économies prévues dans la dépense publique.
"Si on ne connaissait pas le chiffre du deuxième trimestre, personne ne remettrait en cause le fait qu'on est dans une embellie", poursuit l'économiste pour qui, malgré la croissance nulle, "rien ne s'est retourné, on est toujours dans une tendance haussière".
- 'Entre deux eaux' -
Eric Heyer, de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), juge également que si la croissance nulle est "décevante à court terme, ça peut être reporté aux trimestres suivants".
En effet, détaille-t-il, la poursuite de la baisse des prix du pétrole pourrait encourager les ménages à recommencer à consommer après un coup d'arrêt au printemps (0% après 0,9% au premier trimestre). Pour l'heure, le pouvoir d'achat des ménages a légèrement ralenti de 0,1% au deuxième trimestre, avec un revenu disponible brut progressant moins que les prix à la consommation.
Par ailleurs, l'amélioration récente des taux de marges des entreprises, malgré un petit repli au deuxième trimestre devrait permettre une vraie relance de l'investissement, a estimé M. Heyer.
"On a une progression des profits assez franches mais reste à voir si le théorème bien connu +les profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain+ se vérifie", nuance Denis Ferrand, chez Coe-Rexecode.
Contrairement aux deux autres économistes, il remet en cause l'ampleur de la reprise prévue pour 2016. "Avant l'été, 1,5% de croissance en 2016 ça pouvait être une prévision, maintenant c'est un objectif", a-t-il déclaré à l'AFP, en référence à la prévision officielle du gouvernement.
Plus pessimiste encore, Jack Kennedy, économiste chez Markit évoque le "maintien d'une conjoncture économique généralement morose dans les prochains mois".
De fait, M. Passet reconnaît que la France connaît actuellement un passage "entre deux eaux". "Certains indicateurs, comme la production industrielle de juillet (-0,8% par rapport à juin) ne sont pas excellents mais ils sont en décalage avec les enquêtes (de climat des affaires) et en dissonance avec les autres pays européens", explique-t-il, parlant a priori d'un "accident".