Passé en un an de zéro à presque 4 millions de passagers et de cinq acteurs à trois, le marché du transport par autocars créé par la loi Macron a démarré en trombe, mais n'est pas encore rentable et se retrouve à l'étroit dans des gares routières vétustes.
Le succès des "cars Macron" ne se dément pas: un an après l'ouverture à tous les opérateurs des liaisons interrégionales par autocar, alors qu'elles étaient auparavant réservées aux lignes desservant l'étranger, les trois groupes qui se partagent ce nouveau marché revendiquent plus de 3,7 millions de passagers transportés.
L'autocar est devenu "un moyen de transport de masse, on a gagné notre pari", se réjouit Pierre Gourdain, directeur de Flixbus France, qui totalise 1,6 million de voyageurs grâce au rachat du britannique Megabus en juin.
Maintenant que des centaines d'autocars sillonnent les routes de l'Hexagone, le groupe allemand n'est "plus dans la course aux volumes" et "n'a plus de grande ligne à ouvrir", ajoute-t-il.
"Le réseau a été déployé de façon massive tout au long de l'année", atteste Roland de Barbentane, directeur de Ouibus (groupe SNCF), qui cumule 1,5 million de billets vendus, avec l'intégration en juin du réseau de PME Starshipper.
"C'est une réussite du point de vue du consommateur", insiste Hugo Roncal, directeur d'Isilines (groupe Transdev), qui a transporté plus de 600.000 personnes depuis sa création.
- "les prix augmenteront" -
La réussite économique est en revanche loin d'être acquise. "Personne n'a gagné d'argent sur cette première année et il faudra quelques années pour le faire", affirme-t-il.
Seul Flixbus se montre plus optimiste et affirme qu'il "sera à l'équilibre à l'été 2017", sans relever ses prix.
Avec un taux de remplissage moyen un peu au-dessus de 50%, "il y a encore de la marge et on peut arriver à la rentabilité avec ces tarifs sans problème", assure M. Gourdain, à contresens de ses rivaux.
"Les prix augmenteront parce qu'ils doivent correspondre à la réalité du coût de production", prédit à l'inverse M. de Barbentane, convaincu néanmoins que l'autocar "restera toujours le mode de transport le moins cher".
"Quand on voit les différences de prix avec les autres modes, il y a un vrai espace économique", confirme M. Roncal, qui s'attend aussi "à ce que les prix augmentent à un moment".
Cela ne devrait pas empêcher la demande de s'amplifier encore. Les trois rescapés de l'an I voient le marché croître jusqu'à 15, 20 voire 30 millions de passagers par an, comme en Allemagne ou en Espagne.
- Sièges, abris, toilettes -
A moins que le délabrement des gares routières, ou leur absence, ne bride le secteur. Preuve du retard français en la matière, Transdev a annoncé en juin un partenariat avec Total (PA:TOTF), afin entre autres de déposer ses clients dans des stations-services en périphérie des villes.
Si Isilines bénéficie de l'imposante gare internationale de Paris-Galliéni, "c'est l'arbre qui cache la forêt", reconnaît M. Roncal, qui espère que "devant le fait accompli, il y aura des évolutions".
C'est aussi le souhait de Flixbus, mécontent du terrain de la porte Maillot mis à disposition par la mairie de Paris. "On ne demande pas des duty-free et des salons de massage, on veut juste que nos passagers puissent être assis, abrités de la pluie et qu'il y ait des toilettes", explique M. Gourdain.
"Ca doit devenir une priorité pour les collectivités", poursuit-il, estimant qu'à Paris "avec 2 millions d'euros, le problème est réglé" et qu'"avec moins de 10 millions on est bien pour deux ans, sur tout le territoire".
Malgré ce handicap, la route reste dans bien des cas l'option la plus directe et la moins coûteuse. "Dans un contexte de prix du pétrole bas et alors qu'on se pose des questions sur les investissements dans les infrastructures, l'autocar a de beaux jours devant lui", résume M. Roncal.