Les chances du gouverneur de la Banque d'Italie Mario Draghi de prendre la tête de la BCE ont augmenté depuis la défection de l'Allemand Axel Weber mais il faudra encore convaincre Berlin d'accepter un gardien de l'euro issu d'un pays endetté du sud de l'Europe.
"Ses chances ont augmenté mais ce n'est absolument pas fait", juge Marco Valli d'UniCredit.
L'éventualité de voir un Allemand à la tête de la Banque centrale européenne semble avoir été réduite à néant depuis l'annonce vendredi dernier de la démission d'Axel Weber de la Bundesbank.
Une nomination d'Yves Mersch, gouverneur de la Banque centrale du Luxembourg, est en outre "presque impossible" selon le ministre luxembourgeois des Finances Luc Frieden tandis que l'Allemand Klaus Regling, président du Fonds européen de stabilité financière, est desservi par son inexpérience en matière monétaire et que la Finlande a fait savoir que le président de sa banque centrale, Erkki Liikanen, ne serait pas candidat.
La voie semble donc se dégager pour M. Draghi, 63 ans, qui dispose du meilleur CV pour succéder à Jean-Claude Trichet en octobre.
Professeur d'économie, directeur du Trésor italien de 1991 à 2001, il a redoré depuis 2006 le blason d'une Banque d'Italie à la crédibilité ruinée par Antonio Fazio, impliqué dans un scandale bancaire.
Réputé pour son sérieux et sa diplomatie, il a gagné une stature internationale durant la crise comme président du Conseil de stabilité financière (CSF), ce qui lui vaut l'estime des milieux d'affaires.
"La BCE a besoin de Draghi", insistait lundi un éditorialiste du Financial Times tandis que The Economist jugeait vendredi que l'Italien était le "meilleur" pour ce poste.
Mais "comme très souvent en Europe, trouver quelqu'un pour un poste important ne signifie pas seulement trouver la meilleure personne (...) Les intérêts nationaux comptent", souligne Carsten Brzeski d'ING.
"Cela dépendra beaucoup des calculs effectués par la chancelière Merkel", note Julian Callow de Barclays Capital.
Perçu comme un "faucon modéré" en matière monétaire, M. Draghi devra convaincre une Allemagne traumatisée par l'hyperinflation des années 1920 (BIEN 1920) et qui pourrait être réticente, avec les autres pays du nord de l'Europe, à l'idée de porter un autre représentant d'un pays endetté du Sud à la direction de la BCE dont le vice-président est le Portugais Vitor Constancio.
"Qui doit gérer l'héritage du bon et stable Deutschemark. Un homme de la lire ! Pour mémoire, c'était cette monnaie avec plein de zéros...", écrivait le quotidien populaire Bild en mars 2010.
Alors que les milieux économiques allemands sont en revanche bien disposés à son égard, M. Draghi s'est lancé dans une opération séduction, soulignant mardi dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung que l'Allemagne était un "modèle" et appelant le même jour à Rome à sauvegarder la crédibilité de la politique monétaire européenne.
La ministre française de l'Economie Christine Lagarde juge de son côté que M. Draghi est un "homme de grande qualité" mais Paris se déterminera en "fonction des mérites" après avoir examiné "toutes les candidatures".
Le passé de M. Draghi à la banque d'affaires controversée Goldman Sachs pourrait également le desservir même si, selon M. Valli, "cela devrait être un avantage (...) car il connaît le marché".
Reste enfin à savoir si l'affaiblissement du chef du gouvernement Silvio Berlusconi à cause du "Rubygate" diminuera la capacité de l'Italie à faire nommer son candidat.