Le compte pénibilité, qui doit permettre aux salariés exerçant des postes pénibles de se former ou partir un peu plus tôt à la retraite, rentre pleinement en application en 2016. Voici son mode d'emploi.
QUESTION: Quel est le principe?
REPONSE: Avec ce dispositif créé par la dernière réforme des retraites, les salariés ayant exercé des métiers pénibles vont accumuler des points, dans la limite d'un crédit de 100 points, non rechargeable.
Une année d'exposition à un facteur déclenche 4 points, à plusieurs 8.
Sauf pour les plus âgés, les 20 premiers points seront prioritairement utilisables pour une formation (2 pts = 50 heures).
Les salariés pourront aussi utiliser leur crédit pour partir plus tôt à la retraite (10 pts = 1 trimestre, dans la limite de huit). Ou travailler à temps partiel sans perte de salaire (10 pts = 1 trimestre à mi-temps, plafonné à 2 ans).
Lors de leur demande, ils pourront être dans une autre entreprise que celle où ils ont eu un poste pénible.
Q: Quels sont les facteurs de pénibilité?
R: Dix ont été retenus. Quatre sont en vigueur depuis janvier 2015: travail de nuit, travail répétitif, en équipes alternantes ou en milieu hyperbare (comme les travaux sous-marins).
Six autres - postures pénibles, charges lourdes, agents chimiques, vibrations mécaniques, températures extrêmes et bruit - devront être mesurés à partir de juillet 2016.
Pour chacun, des seuils annuels ont été fixés. Par exemple, 120 nuits pour le travail nocturne ou 900 heures pour le travail répétitif.
Q: Qui est concerné?
R: Les salariés du privé (dépendant du régime général ou agricole). Parmi eux, potentiellement 3 millions de personnes.
Le Compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) n'est pas rétroactif mais les salariés nés avant le 1er juillet 1956 auront leurs points doublés.
Q: Qui finance?
R: Une double cotisation des employeurs.
L'une générale à partir de 2017 (au taux de 0,01% de la masse des salaires). L'autre (de 0,1 à 0,4%) acquittée depuis 2015 par les entreprises employant des salariés concernés.
Q: Qui mesure la pénibilité et comment?
R: Les entreprises à partir de "référentiels" élaborés par les branches pour différentes fonctions et métiers types, homologués par les autorités.
Les branches ont confié ce travail très complexe à des cabinets spécialisés, qui par exemple minutent pour le facteur "posture pénible" combien de temps les salariés travaillent accroupis, à genoux, bras au-dessus des épaules, etc.
En remplissant leur déclaration sociale obligatoire, via leur logiciel de paie, les entreprises n'auront qu'à identifier les salariés concernés et les périodes.
Q: Le salarié a-t-il une démarche à effectuer et son mot à dire?
R: La Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) ouvrira automatiquement un compte pour un salarié lorsque son employeur l'aura déclaré éligible.
L'échéance étant au 31 janvier pour les 4 premiers facteurs, chaque salarié pourra ouvrir dès février un espace personnel en ligne sur le site www.preventionpenibilite.fr afin de consulter ses points et les utiliser.
En cas de désaccord, le salarié pourra déposer réclamation auprès de sa Caisse d'assurance retraite (Carsat), après avoir au préalable effectué un premier recours auprès de son employeur, explique la Cnav.
En cas de décision défavorable de la Carsat, il peut encore saisir le tribunal des affaires de la sécurité sociale. Les employeurs qui s'appuieront sur les modes d'emploi des branches seront réputés de bonne foi. Le juge examinera seulement si la situation du salarié a été correctement déclarée.
Q: Les entreprises sont-elles prêtes?
R: Aucune branche n'a encore finalisé de référentiel. La date butoir est mi-2016.
Mais pour les six critères applicables mi-2016, les entreprises ont encore un peu de temps: elles devront déclarer leurs salariés début 2017.
La pénibilité n'est pas un sujet qu'elles découvrent. Les entreprises de plus de 50 personnes dont la moitié au moins de l'effectif sont concernés doivent déjà négocier ou présenter un plan de prévention, sous peine de pénalité financière.
La Cnav a mis en place un accueil téléphonique (au 3682) et un site internet dédié www.preventionpenibilite.fr.