L'UE veut permettre dès 2017 aux abonnés d'un fournisseur de contenu sur internet, tel Netflix, d'y accéder lorsqu'ils voyagent dans l'Union, une proposition susceptible de bousculer le système du droit d'auteur cher au cinéma français.
Ce règlement sur la "portabilité" des contenus numériques présenté mercredi permettrait aux Européens abonnés à un contenu numérique (télévision, cinéma, musique, jeux vidéo, livre électronique) d'en bénéficier où qu'il se trouvent dans l'UE.
"Je compte sur les colégislateurs pour que la portabilité devienne une réalité en 2017 afin qu'ils puissent bénéficier de leur contenu favori s'ils voyagent dans l'UE", a déclaré le commissaire européen pour l'Economie numérique, Günther Oettinger.
Cette proposition de règlement doit en effet encore être discutée au Parlement européen et au sein du Conseil de l'Union Européenne, qui réunit les 28 Etats membres.
Contrairement à une directive, un règlement est obligatoire dans tous ses éléments dès son entrée en vigueur. Il est directement applicable sans mesure de transcription nationale.
En juin 2017 seront bannis les frais facturés aux utilisateurs de téléphones mobiles ("roaming") quand ils séjournent dans un pays tiers à l'intérieur de l'Union.
Dans sa proposition, la Commission européenne indique qu'elle s'adresse aux abonnés "présents temporairement" dans un autre Etat européen que son pays de résidence, comme "lors de voyages d'affaires" ou en "vacances", sans en préciser la durée.
Il sera du ressort des fournisseurs de contenus de définir leurs conditions d'offres de portabilité, a expliqué la Commission.
Concernant l'épineuse question de la "modernisation" du droit d'auteur, le commissaire Andrus Ansip, chargé du Marché unique numérique, a promis d'y revenir l'an prochain.
"Pour les producteurs de films, il peut être important de respecter le droit de territorialité", a reconnu M. Ansip, promettant la protection des auteurs et des réalisateurs.
- Vigilance des professionnels -
En France, notamment, la filière cinéma s'est construite sur le principe de territorialité des offres culturelles. C'est parce qu'elles auront l'exclusivité de la diffusion, en France que les chaînes de télévision acceptent de préfinancer un film.
Les associations professionnelles sont par conséquent sur le qui-vive. "Il est impératif de rester très vigilant face au flou des intentions de la Commission quant à la création d’un titre unique de droit d’auteur ou à la facilitation des accès transfrontières", a aussitôt réagi la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD, française).
"Dans l'économie numérique, autoriser les droits de distribution par territoire demeure fondamental pour le financement, la production et la distribution de contenu, non seulement dans l'UE mais aussi dans le monde entier", a renchéri le directeur général de la Fédération internationale des associations de producteurs de films, Benoît Ginisty.
Eurocinéma, association européenne de producteurs de cinéma et de télévision, a également stipulé des lignes rouges à ne pas franchir concernant ce nouveau règlement, exigeant que les fournisseurs de services de télé payante aient les moyens d'authentifier le pays de résidence de l'abonné.
"Si le fournisseur ne vérifie pas ce fait, et que l'abonné n'est pas résident dans le pays où le service est fourni, le fournisseur de service violerait les droits d'auteur et ceci constituerait également une violation des clauses contractuelles entre distributeur / producteur / ayant droit et fournisseur du service (Pay TV)", a avertit Eurocinéma dans un communiqué.
L'association réclame aussi que la portée du règlement européen soit clairement limitée aux déplacements de courte durée, à savoir 45 jours par an, ce qui exclurait les expatriés notamment.
Le projet présenté mercredi s'inscrit dans un vaste plan sur le marché unique du numérique présenté en mai par la Commission européenne, dont les détails seront distillés progressivement d'ici fin 2016.