Quand Sophie Lambrou et Dimitris Kokkinakis, deux jeunes économistes grecs, ont décidé de créer en 2012, au pic de la crise grecque, une entreprise destinée à promouvoir l'entrepreneuriat social et solidaire, ils ne s'imaginaient pas avoir le succès actuel.
"C'était un défi important à l'époque mais c'était aussi le bon timing car l'idée visait à créer de nouvelles opportunités sur le marché", se rappelle Dimitris Kokkinakis.
Depuis leur société ImpactHub Athens, inspirée des sociétés similaires dans d'autres pays européens, a grandi: "nous avons commencé tous les deux et aujourd'hui, nous sommes quatre employés à plein temps et deux à temps partiel; nous avons aidé environ 80 sociétés du secteur", se félicite Sophie Lambrou.
Pour elle "l'entrepreneuriat social est une réponse à la hausse des problèmes sociaux et la réduction de l'Etat-providence, mais aussi un levier important de croissance".
Outre des services spécifiques de santé, d'incitation à la consommation de produits locaux et de marché équitable, de sensibilisation environnementale ou de cours d'intégration pour les migrants, ces sociétés gérées par des principes de gouvernance démocratique et de lucrativité limitée, essaient d'avoir également un profil social : égalité des salaires et élimination de toute forme de discrimination.
Denisa Likaï, une Albanaise de 27 ans qui travaille au "Hymopiïo", un street-bar de jus de fruits frais locaux dans le centre historique d'Athènes, se réjouit "de l'ambiance de travail".
"Ici nous sommes acceptés comme on est; nous avons tous les mêmes salaires, ça n'intéresse personne de savoir si on vient d'un autre pays ou si on est un ancien usager de stupéfiants", raconte-t-elle.
Environ 1.500 sociétés collaboratives sont actuellement enregistrées au ministère de l'Emploi, dont 900 sont actives et emploient 1.500 personnes, a indiqué à l'AFP Elena Kalimeri, spécialiste du secteur au ministère de l'Emploi.
- 'Ballon d'oxygène'? -
"Ces sociétés sont en plein essor et un projet de loi sera prochainement introduit au Parlement pour élargir le champ d'application de la loi de 2011 sur +les sociétés coopératives sociales (Kinsep)+, qui ne répond plus aux besoins actuels", explique-t-elle.
En raison de la crise et des politiques d'austérité, les petites et moyennes entreprises, colonne vertébrale de l'économie grecque, ont subi un rude coup ces sept dernières années.
Parmi les objectifs de la ministre adjointe de l'Emploi, Rania Antonopoulou, figure le développement des "toutes petites entreprises", dont celles répondant à des besoins d'éducation, de santé, d'emploi, d'environnement et de soutien des migrants.
Le secteur de l'entrepreneuriat social ne représente aujourd'hui qu'un pour cent du PIB grec contre 10% du PIB européen. Le ministère espère que d'ici 2020, il y aura 15.000 postes d'emploi dans ce secteur.
Pour Thanassis Belidis, professeur d'économie à Thessalonique et président des Kinsep de Macédoine, dans le nord de la Grèce, le projet de loi "va donner une poussée à ces entreprises qui peuvent fonctionner comme un ballon d'oxygène pour l'emploi et le PIB si elles arrivent à être viables".
Il y a trois ans à Thessalonique, deuxième ville grecque, il n'y avait que quatre Kinsep alors qu'aujourd'hui il y en a une trentaine.
"Outre la nécessité de répondre aux besoins sociaux, il y a aussi la nécessité de collaborer et d'unir nos forces pour donner une nouvelle orientation à l'économie, à la fois dans le secteur primaire, longtemps négligé, mais aussi dans celui des services, avec un nouveau regard", pointe Charalambos Filos, directeur général de "la banque coopérative de Karditsa", une ville agricole du centre.
Sa banque est depuis le printemps la première banque "éthique" en Grèce, membre de la Fédération européenne des banques éthiques et alternatives (FEBEA).
Toutefois l'avenir du secteur n'est pas sans entraves prévient Alexandre Deliyannis, conseiller des entreprises: "le caractère éthique ou social de ces entreprises ne les dispense pas des problèmes auxquels font face les entreprises en général, soit le changement constant des lois fiscales, l'instabilité financière ou le manque de liquidités".