par Jonathan Spicer et Michael Flaherty et Howard Schneider
JACKSON HOLE Wyoming (Reuters) - Une pression de plus en plus forte s'exerce au sein de la Réserve fédérale américaine afin que l'embellie économique soit explicitement évoquée, ce qui constituerait un pas de plus vers une hausse de taux, qui serait une première en près d'une décennie.
Selon certains banquiers centraux américains et leurs proches conseillers, les signes de vigueur économique et la crainte de plus en plus vive d'un maintien des taux bas plus longtemps que nécessaire ont posé les bases d'une discussion nourrie sur une réécriture du traditionnel communiqué de politique monétaire.
Rien ne permet de dire dans l'immédiat si les membres du Comité de politique monétaire (FOMC) mettront à profit leur prochaine réunion, prévue les 16 et 17 septembre prochains, pour amorcer l'inflexion, mais si tel n'est pas le cas, la réunion d'octobre est à retenir.
"Certains glissements sémantiques sont sur la table et devraient l'être lors des prochaines réunions", a déclaré le président de la Fed d'Atlanta Dennis Lockhart, réputé pour son approche mesurée. Si certains responsables plaident ouvertement en faveur de changements rapides, Dennis Lockhart juge que c'est "encore prématuré".
Ajouter, supprimer ou ajuster quelques mots à peine du communiqué de la Fed est une tâche difficile, la moindre erreur de communication de la plus puissante des banques centrales risquant de déclencher un séisme sur les marchés financier et, dans le pire des cas, réduire à néant la reprise économique qu'elle cherche à soutenir depuis des années.
Le principal élément visé est contenu dans la promesse de la Fed de maintenir son principal taux directeur à un niveau proche de zéro pour "un temps considérable".
DIVERGENCES
Une autre ligne de fracture pourrait résider dans l'évocation des tensions insuffisantes sur le marché du travail, qui laisse entendre que des créations d'emploi soutenues et une poursuite de la baisse du taux de chômage ne seraient pas suffisantes pour justifier un resserrement monétaire dans l'immédiat.
"Les mots nous situent dans un cadre qui n'est à mon avis pas le bon", a déclaré le président de la Fed de Philadelphie Charles Plosser en marge du symposium de Jackson Hole.
Charles Plosser a regretté l'emploi de l'expression "période considérable", lors de la réunion de la Fed de juillet. Comme d'autres tenants de l'orthodoxie monétaire, il privilégie des indications "très simples et associées à des statistiques", qui permettent d'éviter de s'attacher à des calendriers.
En plus du caractère imprévisible des marchés, la présidente de la Fed Janet Yellen aura à composer avec une économie mondiale qui n'est pas en phase avec celle des Etats-Unis.
Le symposium de Jackson Hole aura été l'occasion pour les grands banquiers centraux de la planète d'évoquer l'état de leurs économies et dans le cas de l'Europe, la crainte d'un fort ralentissement, voire pire, et d'étaler les divergences des politiques monétaires à l'oeuvre.
Janet Yellen voudrait surtout éviter d'avoir à baisser les taux d'intérêt si l'économie ralentissait après leur remontée, un risque qu'elle juge pire qu'une éventuelle poussée de l'inflation. Un changement de langage ne signifierait donc pas forcément qu'une hausse des taux interviendrait plus tôt que prévu.
TOURNER LA PAGE
A l'heure actuelle, un consensus se dessine tant chez les investisseurs que chez les principaux responsables de la Fed pour dire que les taux resteront en l'état jusqu'au milieu de l'an prochain.
Un changement de rhétorique marquerait toutefois le point de départ d'une transition délicate alors que la Fed se prépare à tourner la page de six années de taux quasi nuls.
Dans une certaine mesure, la banque centrale américaine devra supprimer des passages clés qu'elle a utilisés jusqu'à présent pour caractériser les tensions insuffisantes de l'économie et préparer les marchés au retour d'une politique monétaire plus classique.
S'adressant vendredi aux autres grands banquiers centraux de la planète, Janet Yellen a donné corps à la thèse d'un resserrement plus rapide que prévu des conditions économiques. Après les propos des "faucons" de la Fed, ces déclarations de Yellen laissent à penser qu'un changement de ton est dans l'air.
"A quelques exceptions près, les statistiques qui arrivent incitent à adopter un ton plus orthodoxe", souligne l'ancien vice-président de la Fed Alan Blinder, désormais enseignant à Princeton. "L'ensemble de la gamme bouge, donc le point pivot bouge et (Yellen) bouge".
Le compte-rendu de la dernière réunion de la Fed a montré qu'un certain nombre de participants étaient en désaccord avec certaines parties du communiqué, notamment sur la question de l'absence de tensions sur le marché du travail et sur le calendrier probable de la hausse des taux et il y a fort à parier que ces voix porteront de plus en plus.
(Nicolas Delame pour le service français, éditer par Marc Joanny)