La Russie ne peut plus attendre pour privatiser, vu la situation budgétaire "critique"

Publié le 02/02/2016 16:19
Mis à jour le 02/02/2016 17:02
Le ministre russe de l'Economie Alexeï Oulioukaïev le 18 septembre 2014 à Moscou (Photo MAXIM SHEMETOV. POOL)

Le ministre russe de l'Economie Alexeï Oulioukaïev le 18 septembre 2014 à Moscou (Photo MAXIM SHEMETOV. POOL)

La Russie ne peut plus attendre face à la déroute des cours du pétrole : selon son ministre de l'Economie, la situation budgétaire, "critique", rend urgente la mise en œuvre de privatisations longtemps retardées en dépit des turbulences des marchés.

Le gouvernement russe cherche à réduire sa participation dans certains groupes publics - sans nécessairement en céder le contrôle - afin de combler le trou béant laissé dans ses comptes par la chute des cours des hydrocarbures, qui représentent la moitié des rentrées budgétaires.

Aucune cible concrète n'a été désignée pour l'instant, même si Vladimir Poutine a réuni à ce sujet les patrons de groupes allant du pétrole (Rosneft) aux diamants (Alrosa) en passant par la société fédérale des chemins de fer. Mais les autorités ne cachent pas leur envie d'aller vite.

"En 2014-2015, le marché était orienté à la baisse et nous attendions que la situation change, mais maintenant on se rend compte qu'il n'est plus possible d'attendre", a déclaré le ministre de l'Economie Alexeï Oulioukaïev, cité par les agences russes.

"La situation budgétaire est critique et les turbulences des marchés financiers ne donnent pas de raison d'espérer un quelconque rebond", a-t-il ajouté. "Le défi consiste à conclure des transactions de qualité et rentables sur des marchés extrêmement défavorables".

Après une vague massive et controversée de cessions d'actifs dans les années 1990, la Russie s'était dotée en 2010 d'un ambitieux plan de privatisations sous l'impulsion de Dmitri Medvedev, alors président, avec pour objectif de moderniser ces entreprises et de combler les déficits creusés pendant la crise de 2008-2009.

Ces ambitions ont été nettement revues à la baisse après le retour en 2012 de Vladimir Poutine au Kremlin : les prix du pétrole sont entre temps remontés rapidement, permettant le retour d'abondants revenus, puis l'économie russe a ralenti, rendant la conjoncture moins propice.

En décembre et janvier, le plongeon des cours du pétrole a pris une ampleur telle que le gouvernement a dû annoncer de futures baisses de ses dépenses et de nouvelles privatisations, car le budget a été bâti sur un baril à 50 dollars en moyenne, contre 32 dollars mardi à Londres.

Or, Vladimir Poutine a exigé que le déficit budgétaire reste inférieur à 3% du PIB et l'approche d'élections législatives à l'automne limite l'ampleur des mesures de rigueur appliquées, d'autant que le pouvoir a promis de ne pas augmenter les impôts.

Le ministre des Finances Anton Silouanov a évalué à 1.000 milliards de roubles (11,5 milliards d'euros) les gains potentiels pour l'Etat de ventes d'actifs publics.

- Poutine pose des conditions -

Lundi, le président russe a dirigé une réunion sur le sujet avec des dirigeants d'entreprises publiques : les pétroliers Rosneft et Bachneft, le producteur de diamants Alrosa, la société des chemins de fer RZD, la banque VTB, la compagnie aérienne Aeroflot, les chantiers navals Sovcomflot.

Le maître du Kremlin a posé des strictes conditions à ces ventes d'actifs. Pour Vladimir Poutine, l'Etat "ne doit pas perdre le contrôle sur des entreprises stratégiques", les acheteurs doivent se situer "sous juridiction russe" et surtout, les actifs concernés ne doivent pas être "vendus à prix bradé" alors que les marchés russes sont sapés par les prix du pétrole et les sanctions dues à la crise ukrainienne.

Son porte-parole Dmitri Peskov a précisé mardi qu'il revenait désormais au gouvernement d'établir une liste de possibles privations (entreprises, part du capital vendu, calendrier...) pour les deux ans à venir en respectant "le cadre" fixé par le Kremlin. Il a assuré que les investisseurs étrangers n'en seraient pas exclus, à condition d'être enregistrés en Russie.

Selon les économistes du cabinet Capital Economics, ces opérations peuvent "temporairement améliorer les finances publiques mais le passé suggère que les ventes d'actifs risquent fort de se révéler moins importantes que prévu".

Et vu les conditions évoquées par M. Poutine et la frilosité du pouvoir face aux réformes, "même si le gouvernement applique ces projets, ils ont peu de chance d'aboutir à des changements structurels de l'économie russe et à une amélioration de la productivité", ont-ils prévenu.

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