Isolés face à l'immense pression internationale, les Etats-Unis ont persisté mardi dans leur refus de se rallier à l'interdiction de vol décrétée contre le Boeing (NYSE:BA) 737 MAX 8 par de nombreux pays et compagnies aériennes, après la tragédie du vol Addis Abeba-Nairobi d'Ethiopian Airlines.
"Jusqu'à présent notre examen du dossier ne montre aucun problème de performance et ne fournit aucune raison pour ordonner l'immobilisation de cet avion", assure l'agence fédérale de l'aviation américaine, FAA, dans un communiqué.
En outre, "les autres autorités de l'aviation (civile) ne nous ont fourni aucune donnée qui justifierait une telle mesure", poursuit-elle.
Elle affirme qu'elle n'hésitera toutefois pas à prendre des mesures "immédiates et appropriées" si jamais elle découvrait une anomalie dans son examen du vol 302 d'Ethiopian Airlines, dont les boîtes noires ont été récupérées et devraient livrer le ou les scénarios de l'accident.
En choisissant de ne pas clouer au sol la flotte des 737 MAX 8, dont American Airlines et Southwest sont les principales compagnies clientes aux Etats-Unis, la FAA fait ainsi le dos rond aux pressions de politiques américains et surtout à la fermeture progressive du ciel aérien mondial à cet avion, dont deux modèles se sont écrasés en moins de cinq mois.
Après des interdictions en rafale de la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Pays-Bas, l'Agence européenne de sécurité aérienne (AESA) a suspendu tous les vols des MAX 8 et des MAX 9, qu'ils soient à destination, au départ, ou à l'intérieur de l'Union européenne, que les opérateurs soient européens ou issus de pays tiers.
Signe de la sensibilité du dossier, Donald Trump s'est, lui, entretenu avec Dennis Muilenburg, patron de Boeing, par téléphone sur cette crise.
Le président américain s'était aussi fendu d'un tweet déplorant la complexité des avions modernes. Ce dossier est d'autant plus sensible pour l'exécutif américain que les Boeing font partie des négociations commerciales entre Washington et Pékin.
- Camouflet -
Jusqu'à présent, la FAA a simplement demandé des modifications portant sur des systèmes automatisés dont le MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System) qui aide à éviter un décrochage des 737 MAX.
De nombreux élus américains ont exhorté cette autorité à appliquer le principe de précaution après l'accident d'un 737 MAX 8 d'Ethiopian Airlines qui a fait 157 morts, dimanche, quelques mois après la tragédie ayant frappé un avion du même type de la compagnie indonésienne Lion Air, faisant 189 victimes.
"La FAA devrait changer sa position et immobiliser cet avion aux Etats-Unis jusqu'à ce que la sécurité soit garantie", a ainsi demandé la sénatrice Elizabeth Warren, candidate à l'investiture démocrate pour la présidentielle américaine de 2020, tandis que le sénateur républicain Ted Cruz a jugé qu'"il serait prudent pour les Etats-Unis de clouer au sol temporairement les 737 MAX".
Dans le sillage de l'Europe, l'Inde a annoncé qu'elle clouait au sol les 737 MAX. A l'inverse, le Canada restait encore aux côtés des Etats-Unis en continuant à faire voler les MAX 8.
L'interdiction de vol pour un avion récent est un camouflet inédit dans l'histoire de l'aviation civile. Pourtant, elle ne devrait pas semer le chaos dans le trafic aérien mondial. Entrés en service en mai 2017, quelque 370 appareils de cette famille volent dans le monde aujourd'hui, contre un total d'environ 19.000 avions d'au moins 100 passagers en service au niveau international, tous modèles confondus, selon des données d'Airbus.
Les investisseurs ont sanctionné Boeing, pour qui le 737 MAX est un programme essentiel: le titre a plongé de 6,15% mardi après avoir déjà cédé 5,33% la veille.
- Panique des passagers américains -
Les personnels navigants et les passagers aux Etats-Unis se sont eux aussi montrés inquiets, beaucoup refusant désormais d'embarquer sur cet appareil.
Le syndicat des personnels navigants, représentant des salariés d'American Airlines, a encouragé ses membres à ne pas monter à bord d'un 737 MAX 8 s'ils ne se sentaient pas en sécurité.
Avant l'Europe, l'Asie avait déclenché l'offensive contre les avions moyen-courriers de Boeing, avec notamment des suspensions ou interdictions de vols en Australie à Singapour et surtout en Chine, où 76 de ces appareils ont été livrés.
Si les causes de cet accident ne sont pas encore connues, l'accident de Lion Air avait braqué l'attention sur les sondes d'angle d'attaque (AOA) reliées au système de stabilisation de l'avion (MCAS). Un dysfonctionnement de ces outils peut mettre l'appareil en "piqué" au lieu de le cabrer, en raison d'une appréciation erronée que l'avion est en décrochage
Sur le site de l'accident, les enquêteurs éthiopiens ont été rejoints par une équipe technique de Boeing et des enquêteurs américains des autorités de l'aviation civile.
Les deux boîtes noires --l'une contenant les données techniques du vol et l'autre l'enregistrement des discussions et des alarmes dans le cockpit-- ont été retrouvées lundi. Elles pourraient être exploitées par le NSTB, autre régulateur du transport aérien américain.
Sollicité par l'AFP, ce dernier s'est refusé à tout commentaire, relevant que la communication relevait des autorités éthiopiennes.
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