Les fraudes au détachement de travailleurs, avec des conditions de salaires ou de travail non respectées, "se complexifient et demeurent quantitativement significatives malgré un arsenal législatif renforcé", selon l'étude d'impact sur le projet de loi réformant le droit du Travail, publiée jeudi.
Nouvelles sanctions à l'égard de l'employeur comme du donneur d'ordres en cas de non-respect de l’obligation de dépôt de déclaration, suspension de prestation de service internationale en cas de manquement grave au droit du travail, renforcement des contrôles sur le terrain: "le rythme de progrès pouvant en être attendu ne paraît pas à la hauteur de l’enjeu", souligne l'étude.
Le phénomène est renforcé par l’augmentation très forte du nombre de détachements déclarés en France: "230.000 tous secteurs confondus en 2014, soit +10% par rapport à 2013". C’est dans le domaine des entreprises de travail temporaire que la hausse est la plus significative avec +26 % de déclarations en 2014.
Ce chiffre ne représente cependant qu'une "appréciation" sans commune mesure avec l'ampleur réelle du "phénomène", puisque, précise l'étude, "il existe une sous-déclaration avérée, mais qu'il est cependant impossible de quantifier objectivement".
L’adaptation des fraudeurs aux nouvelles contraintes est "constante" et "la complexité des montages frauduleux est aujourd’hui relevée par l’ensemble des corps de contrôle". Au cours de ces dernières années, souligne l'étude, "un marché économique du détachement s’est constitué et organisé. Ce développement massif s’est accompagné de pratiques déviantes qui ne s’expliquent pas seulement par le coût réduit du travailleur détaché".
L'étude d'impact cite également "les niveaux de salaire versés inférieurs à notre salaire minimum, des primes non payées ou des heures supplémentaires effectuées sans limite et non majorées, le non-paiement ou remboursement de frais de transport ou de logement, des conditions d’hébergement indignes, le rattachement illicite à un régime social plus avantageux".
Certains secteurs sont particulièrement touchés: l'agriculture, le BTP, les transports de marchandises.
Les décideurs ou utilisateurs de main d’oeuvre jouent également un rôle dans ces montages: abattoirs, grandes entreprises de transport qui créent des filiales dans des pays européens afin de faire des salariés détachés en France, maîtres d’ouvrage d’envergure du BTP qui se défaussent sur des entreprises donneuses d’ordre de second rang, appels d’offre comportant des offres anormalement basses, etc.
La main d’oeuvre polonaise représente la première nationalité détachée en France, devant les salariés de nationalité portugaise, puis roumaine.
Parmi les mesures préconisées, l'étude demande la transposition définitive de la directive européenne de 2014 concernant le détachement de travailleurs et la concurrence sociale déloyale. Une seule mesure législative reste à prendre afin de permettre l’exécution en France de sanctions administratives prononcées par un État membre à l’encontre d’une entreprise française.
Celle-ci doit permettre de recouvrer des amendes administratives prononcées par un autre État membre à l’encontre d’un prestataire de services français ayant enfreint sur le territoire de cet État membre sa réglementation en matière de détachement de travailleurs.