L'administration de Barack Obama a accentué la pression sur les groupes de technologie pour l'aider à combattre, en ligne, des jihadistes de plus en plus férus de messages cryptés leur permettant d'être invisibles sur internet.
Le débat sur le cryptage et le "dark web" (l'internet opaque) n'est pas nouveau mais il s'est intensifié depuis les attentats sanglants de Paris le 13 novembre et de San Bernardino en Californie le 2 décembre.
Le cryptage des logiciels et des messages s'est développé depuis les révélations en 2013, par Edward Snowden, sur l'ampleur de la surveillance menée par le renseignement américain à travers internet.
Mais le gouvernement et les forces de l'ordre plaident pour avoir davantage accès à ces données, expliquant qu'il est désormais plus difficile avec ce cryptage de traquer les criminels.
"Nous voulons trouver le juste équilibre. Nous voulons nous assurer que le cryptage n'est pas utilisé pour créer un espace opaque sur internet pour les groupes terroristes", assure la Maison Blanche.
Dans le contexte actuel, marqué par les attentats, l'opinion publique pourrait toutefois être prête à offrir un accès plus grand aux données personnelles.
Ce débat "s'inscrit dans la question plus large de l'anonymat que les gens doivent pouvoir garder sur internet", explique James Lewis, chercheur au Center for Strategic and International Studies, qui a travaillé sur les questions de cryptage pour le gouvernement américain.
- 'Portes dérobées' -
Depuis les révélations d'Edward Snowden sur l'agence d'écoutes NSA, les groupes technologiques, soucieux de leur image auprès de l'opinion, ne sont pas prêts à changer de politique volontairement en abaissant le niveau de cryptage, estime Darren Hayes, spécialiste en techniques d'investigations informatiques à la Pace University.
Mais du coup à New York, ajoute-t-il, "plus de 100 enquêtes ont été interrompues parce que des téléphones n'ont pas pu être analysés. Et ça concerne des criminels, des violeurs, des pédophiles qui ne peuvent pas être poursuivis".
Même si les entreprises affirment ne pas avoir accès aux données cryptées, "des groupes comme Google (O:GOOGL) les analysent en fait à des fins publicitaires", souligne James Lewis.
Pour Darren Hayes, ce serait déjà une avancée si Apple (O:AAPL) et Google revenaient à un niveau de cryptage encore tout récent.
"Jusqu'à il y a un an, Apple avait un iPhone très sécurisé et conservait des clés de cryptage. Les forces de l'ordre pouvaient émettre un mandat auquel Apple devait répondre", rappelle-t-il. "Ca marchait assez bien mais Apple à un moment a décidé que ça n'avait pas de sens d'un point de vue économique".
"La seule manière de persuader (ces groupes), c'est par la loi", conclut-il.
Le chef du FBI James Comey a pourtant déjà indiqué que le gouvernement ne comptait pas "utiliser de remède législatif".
"Le FBI se concentre en permanence sur cet espace réel et grandissant" formé par les messages codés échappant au radar de la police sur internet, "que le FBI désigne par le terme de +trou noir+", a-t-il toutefois souligné le 9 décembre devant les élus. "Il faut s'y atteler car les risques qui en découlent son importants, aussi bien en matière de criminalité traditionnelle que de sécurité nationale".
Mais les défenseurs de la protection de la vie privée résistent.
Une pétition en ligne demandant au gouvernement américain de ne pas affaiblir les systèmes de cryptage a recueilli plus de 100.000 signatures.
"Affaiblir le cryptage, c'est affaiblir notre sécurité", estime Rainey Reitman de l'association Electronic Frontier Foundation, une puissante organisation de défense des droits des internautes.
"Nous ne pouvons pas créer de porte dérobée, de porte d'entrée, ou toute autre porte qui serait uniquement accessible par le gouvernement des Etats-Unis sans qu'elle ne puisse être exploitée par des pirates malveillants ou des gouvernements étrangers", soutient-il sur son blog.
Les téléphones et ordinateurs devraient bénéficier de la même protection que les autres modes de communication, estime Robyn Greene, de l'institut Open Technology, hébergé par le groupe de réflexion New America Foundation.
"La police peut perquisitionner des domiciles privés si elle a des mandats mais on ne demande pas aux habitants d'enregistrer leurs conversations juste au cas où, un jour, cela puisse aider dans une enquête", souligne-t-elle sur le blog Just Security.