par Michael Kahn et Nina Chestney
PRAGUE/LONDRES (Reuters) - La décision de la compagnie pétrolière américaine Chevron de cesser la prospection de gaz de schiste en Pologne témoigne d'un avenir incertain pour cette source d'énergie en Europe, où elle se heurte à de nombreux obstacles.
A la différence des Etats-Unis, où l'explosion du gaz de schiste a permis de réduire la dépendance énergétique de la première économie du monde, l'Europe n'en est qu'aux balbutiements dans ce domaine.
Aucune exploitation commerciale n'a encore commencé sur un continent qui dispose cependant, selon l'administration américaine d'information sur l'énergie, de plusieurs milliers de milliards de mètres cubes de gaz de schiste exploitable.
Les responsables américains tempèrent toutefois leurs estimations en faisant valoir que les gisements n'ont pas encore été localisés ou évalués et que leur rentabilité n'est pas connue.
Autre obstacle au gaz de schiste en Europe, l'effondrement des cours du pétrole, en raison d'une surabondance de l'offre provenant notamment de l'explosion de la production de gaz et de pétrole de schiste aux Etats-Unis.
"TROP D'OBSTACLES"
"Je ne connais aucune personne sérieuse qui pense que l'Europe va connaître une révolution du gaz de schiste avant au moins 15 ans", explique Paul Stevens, de l'institut britannique de réflexion sur l'énergie Chatham House. "Cela n'arrivera pas parce qu'il y a trop d'obstacles".
Parmi ces obstacles figure la réticence de nombreux gouvernements européens face à la fracturation hydraulique, qui consiste à injecter dans la roche du sable et de l'eau mais aussi des produits chimiques pour en extraire le gaz de schiste.
Cette technique est interdite en France et fait l'objet d'un moratoire en Allemagne en raison des dégâts qu'elle pourrait entraîner sur l'environnement.
Dans ce contexte, Chevron a décidé d'arrêter de chercher du gaz de schiste en Pologne pour se concentrer sur d'autres régions jugées plus prometteuses.
Des premiers essais peu concluants, la difficulté du terrain et de possibles entraves en matière régulation ont conduit d'autres compagnies, dont Total, à tourner le dos à la Pologne.
Total a par ailleurs annoncé lundi reporter de plusieurs mois ses premiers essais au Danemark en raison de retards pris dans la construction d'une plate-forme de forage.
Certains gouvernements européens croient cependant au gaz de schiste. C'est le cas notamment de la Grande-Bretagne, qui entend réduire sa dépendance énergétique et compenser le déclin de la production de pétrole en mer du Nord.
Cuadrilla et IGas ont ainsi foré un certain nombre de puits. Mais, en Grande-Bretagne non plus, la production commerciale n'a pas commencé en raison, là aussi, d'une opposition grandissante à la fracturation hydraulique.
L'Ecosse, dont les ressources pourraient couvrir les besoins britanniques en gaz pendant plus de 30 ans, a ainsi annoncé la semaine dernière un moratoire sur le développement de toutes les ressources gazières et pétrolières non conventionnelles.
"Il est extrêmement difficile à l'heure actuelle de dire où le gaz de schiste va démarrer en Europe", estime John Williams, du cabinet de consultants Poyry.
(Patrick Vignal pour le service français, édité par Véronique Tison)