La start-up berlinoise Locomore lance mercredi son premier train en Allemagne, dans l'espoir de se faire une place sur un marché des grandes lignes toujours dominé par la compagnie publique Deutsche Bahn, 20 ans après la libéralisation du rail.
Les wagons des années 1970 modernisés par la petite entreprise quitteront Stuttgart (sud-ouest) avant l'aube, en passant notamment par Francfort et Hanovre pour atteindre Berlin en milieu de journée, marquant officiellement l'arrivée d'un nouvel acteur face à l'opérateur historique.
Avec un train effectuant un aller-retour par jour, contre plus de 700 liaisons grandes lignes quotidiennes chez Deutsche Bahn, Locomore ne prétend pas s'attaquer frontalement au géant allemand du rail.
"Nous proposons une nouvelle ligne en concurrence avec la voiture, l'avion, les bus longue distance mais aussi Deutsche Bahn", déclare à l'AFP Derek Ladewig, fondateur et directeur de la start-up qui compte 25 salariés.
- Jeunes et familles -
Un peu moins rapide qu'un train à grande vitesse mais nettement plus qu'un bus longue distance grâce à des pointes à 200 km/h, le train orange de Locomore promet des tarifs toujours inférieurs à ceux d'un billet standard de Deutsche Bahn acheté à moitié prix.
La start-up propose par exemple de parcourir les quelque 600 kilomètres séparant Stuttgart et la capitale allemande à un prix compris entre 22 et 65 euros, en mettant environ 40 minutes de plus que la Bahn.
Son service devrait particulièrement attirer les familles, qui auront un compartiment dédié, ainsi que les jeunes, souligne Karl-Peter Naumann, porte-parole de la fédération des voyageurs Probahn, qui salue le nouveau venu.
Autre particularité: en réservant leurs billets, les voyageurs pourront opter pour des compartiments à thèmes selon leurs centres d'intérêt.
Devant le refus de Deutsche Bahn de l'autoriser à commercialiser ses billets dans les gares, Locomore se contentera de la vente sur internet et à bord de ses trains.
- Aventure risquée -
D'autres entreprises privées ont déjà tenté l'aventure mais ont dû jeter l'éponge, à l'instar de la ligne déficitaire Interconnex opérée par Veolia Verkehr, filiale du français Transdev, jusqu'à fin 2014.
Le seul challenger ayant survécu est la compagnie Hamburg Köln Express (HKX), qui a lancé sa ligne entre Cologne et la cité hanséatique en 2012.
"Locomore peut stimuler le marché avec ses idées innovantes" mais "comme HKX, il ne dessert que des marchés de niche", estime Mathias Lahrmann, du cabinet de conseil spécialisé BSL. D'ailleurs, Locomore vise 1 à 2% seulement du marché du transport interrégional, tous modes de transport confondus.
Pas de quoi menacer la suprématie de Deutsche Bahn, qui détient toujours 99% des grandes lignes, malgré la libéralisation en 1994. Dans le transport ferroviaire régional, l'entreprise publique a davantage de concurrents et sa part de marché baisse à 72%, selon M. Lahrmann.
"Le transport régional est plus facile pour les nouveaux entrants", explique le spécialiste. Sur les grandes lignes, les opérateurs ne reçoivent aucune subvention. Ils doivent réserver des tracés des années à l'avance et fournir les trains.
Locomore a opté pour un maximum de flexibilité: des entreprises lui louent les trains et emploient les conducteurs, la start-up fournit le personnel de bord et vend les billets.
La société a eu recours au financement participatif pour se constituer un capital de départ de plus de 600.000 euros, qui ne lui permettra pas de résister longtemps en cas de difficultés.
Son patron espère donc un succès immédiat, avec des trains à moitié plein pour rentrer dans ses frais et pouvoir lancer ensuite d'autres lignes. Un pari osé alors que Deutsche Bahn a enregistré en 2015 un taux d'occupation de seulement 50,9% dans ses trains grandes lignes.
"Ce n'est pas facile d'être rentable, mais c'est possible", juge M. Lahrmann, du cabinet BSL.
Locomore a déjà vendu plus de 10.000 billets et les trains du week-end à venir s'annoncent "bien remplis", assure son patron, qui mise beaucoup sur les fêtes de fin d'année.