Transferts faramineux en Chine: raison d'Etat plutôt qu'économique

Publié le 30/12/2016 19:22
Carlos Tevez, sous le maillot de Boca Juniors, contre Sarmiento, en match de championnat argentin à La Bombonera, le 16 octobre 2016 (Photo Alejandro PAGNI. AFP PHOTO)
TTEF
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Carlos Tevez, sous le maillot de Boca Juniors, contre Sarmiento, en match de championnat argentin à La Bombonera, le 16 octobre 2016 (Photo Alejandro PAGNI. AFP PHOTO)

Trente-huit millions d'euros par saison: le salaire astronomique de l'attaquant argentin Carlos Tevez, accordé par le Shanghai Shenhua, illustre l'explosion des transferts en Chine, une absurdité économique qui s'inscrit dans une volonté politique plus générale, estiment les analystes.

Avant le transfert de Tevez, celui d'Oscar avait déjà fait l'effet d'une bombe, le 23 décembre: le milieu brésilien était passé de Chelsea au Shanghai SIPG contre 71 millions d'euros, un record en Asie.

Comme un symbole d'un marché chinois dépassant désormais le marché anglais, avec plus de 8 milliards de yuans (1,1 md EUR) dépensés en 2016.

La tendance s'était précisée lors du mercato de janvier 2016, lorsque la Super League chinoise avait dépassé la Premier League anglaise en déboursant la somme record de 331 millions d'euros, selon le site Transfermarkt, pour s'attacher les services de 163 nouveaux joueurs.

L'année dernière, "le monde entier a été surpris" mais désormais "l'effet de surprise est parti, et tout le monde s'attend à la même chose", soutient Mark Dreyer, du média China Sports Insider.

"Les propriétaires milliardaires veulent se damer le pion les uns les autres et continuer à attirer de grands noms", explique Marcus Luer, PDG de l'agence de marketing Total (PA:TOTF) Sports Asia.

- CR7 visé -

Alors que précédemment les clubs chinois attiraient surtout des Brésiliens inconnus ou des joueurs en fin de parcours, de type Nicolas Anelka, les plus grandes stars du foot sont désormais dans le viseur.

Même Cristiano Ronaldo a été approché: son agent Jorge Mendes a affirmé que le Ballon d'Or 2016 a refusé une offre hallucinante de près de 100 millions d'euros annuels d'un club chinois, sans le nommer, dans un entretien accordé jeudi soir à Sky Sports Italia. "Mais l'argent ne fait pas tout", a-t-il précisé.

Outre les recrutements pharaoniques, les investisseurs chinois ont ouvert le porte-feuille pour acquérir des droits TV de championnats étrangers et des clubs étrangers, avec des participations capitalistiques plus ou moins élevées dans des clubs français comme Lyon, Auxerre ou Sochaux, et ailleurs en Europe (Espanyol Barcelone, Inter Milan, West Bromwich Albion, Aston Villa).

Les énormes sommes investies n'ont pas vraiment de sens économique: du côté des recettes, les billets pour voir des matches des clubs les plus populaires de la Super League chinoise (CSL) se vendent pour trois fois rien et les droits TV de ce championnat restent très bas.

"On ne peut rentrer dans ses frais quand on dépense ces sommes pour des joueurs au sommet, on ne peut pas faire de retour sur investissement", assure Mark Dreyer.

Cette stratégie répond à la volonté du régime et du président chinois, Xi Jinping, de préparer le terrain avec en point de mire l'espoir d'organiser un jour la Coupe du monde, et l'objectif de la gagner.

- Objectif Coupe du monde -

Horizon lointain, puisque la Chine, qui n'a participé qu'à un Mondial (en 2002), n'occupe que la 82e place au classement Fifa. Le pays le plus peuplé du monde (1,375 milliard d'habitants) est ainsi classé juste derrière les archipels du Cap-Vert et de Saint-Kitts-et-Nevis, moins de 600.000 habitants à eux deux.

Et la sélection entraînée par l'Italien Marcello Lippi occupe la dernière place de son groupe dans les éliminatoires pour le Mondial-2018, et a perdu presque tout espoir de s'y qualifier.

"On dépense beaucoup d'argent dans les salaires de joueurs étrangers alors qu'il devrait l'être dans les centres de formation", regrette Mark Dreyer.

Les joueurs de renom semblent servir de produits d'appel, et la stratégie globale a connu une inflexion: les clubs chinois sont désormais appelés à maîtriser leurs dépenses en transferts afin d'éviter une bulle spéculative, a mis en garde mi-décembre le Quotidien du peuple, organe du Parti communiste chinois au pouvoir.

La Fédération chinoise de foot (CFA) a dans la foulée annoncé qu'elle allait réduire en 2017 de cinq à quatre son quota de joueurs étrangers autorisés dans chaque club afin de ne pas boucher l'horizon aux joueurs chinois.

"Les joueurs étrangers de haut niveau ont apporté leur dynamisme à la CSL et en ont rendu les matches plus attrayants mais ils ont aussi créé un fardeau économique pour les clubs tout en réduisant les opportunités pour nos joueurs", soulignait la Fédération, précisant que seuls trois étrangers seraient autorisés à jouer en même temps dans chaque formation.

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