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Quand les entreprises de l'eau cherchent à contourner l'interdiction des coupures

Publié le 14/10/2016 10:21
Les entreprises de l'eau cherchent à contourner l'interdiction des coupures (Photo FRANCK FIFE. AFP)

Les entreprises de l'eau cherchent à contourner l'interdiction des coupures (Photo FRANCK FIFE. AFP)

Réductions de débit, demande de compensations: les opérateurs d'eau mettent la pression sur les collectivités pour ne pas subir les conséquences de l'interdiction des coupures d'eau en vigueur depuis deux ans, qui aurait selon eux fait exploser les impayés.

Un matin de fin septembre, Ramdam Sadaoui, 57 ans, habitant de Narbonne (Aude), a eu la désagréable surprise de constater que l'eau ne coulait quasiment plus à ses robinets.

Pendant plusieurs jours, il vit avec "un filet d'eau". "Pour remplir une gamelle pour mon chat ça durait 20 minutes", décrit-il à l'AFP, et bien sûr "pas d'eau chaude puisque le cumulus était vide". A l'eau froide, "pas de douche puisque pas de pression".

Cet allocataire du RSA, cumule un arriéré de factures de plus de 500 euros, et le gestionnaire du service d'eau, Veolia, l'a mis au régime presque sec.

Dans un premier temps, le service client du groupe le rassure affirmant "qu'ils vont rétablir l'eau". Mais plus tard, on lui délivre cette sentence: "vous payez la facture plus les frais de coupure, sinon on ne remet pas (l'eau)", témoigne-t-il.

Le débit est finalement rétabli une dizaine de jours plus tard, mais Ramdam ne décolère pas: "Je ne suis pas de mauvaise foi. Je suis d'accord pour essayer de régler".

"Rien que sur les trois dernières semaines, nous avons reçu une quarantaine de témoignages sur des pratiques de réductions de débit", réagit Emmanuel Poilane, directeur de l'association France Libertés.

Un phénomène qui hérisse ce militant du droit à l'eau, car la justice a condamné ces derniers mois les opérateurs Veolia et Saur pour cette pratique, estimant qu'un faible débit conduit au même trouble qu'une coupure, et est donc illicite.

La semaine dernière, Saur a envoyé une lettre au maire de la commune de Courtonne-la-Meurdrac (Calvados), également président du syndicat des eaux local, pour l'informer qu'il prévoyait de réduire le débit de 25 abonnés pour des retards de paiement à partir du 17 octobre.

Sollicitée, l'entreprise n'a pas souhaité répondre à l'AFP.

Certaines collectivités ont décidé d'agir. L'agglomération du Grand Lyon a inscrit l'interdiction des réductions de débit dans le réglement de son service d'eau.

- Les collectivités sous pression -

A la Fédération des entreprises de l'eau (FP2E), on défend cette pratique, estimant qu'il y a besoin de "moyens de recouvrer efficacement les factures", notamment des clients de mauvaise foi, même s'il faut prendre des "précautions" pour ne "jamais réduire le débit d'une personne qui n'a pas les moyens de payer", explique à l'AFP Tristan Mathieu, son délégué général.

Depuis l'interdiction des coupures d'eau dans les résidences principales, instituée par la loi Brottes du 15 avril 2013, les opérateurs et certains élus, notamment de communes où l'eau est gérée en régie publique, affirment constater une augmentation importante des impayés.

Cela dans un contexte de concurrence féroce qui a entraîné une baisse des marges des entreprises.

"Au cours des quinze dernières années, on était à 0,7% d'impayés (pour les entreprises de la FP2E)", soit un montant d'environ 120 millions d'euros. "Aujourd'hui on n'a pas encore les chiffres, mais cela va faire +fois 2+, +fois 3+, à très court terme", assure Tristan Mathieu.

Pour Tristan Mathieu, il est d'une "logique absolue" que la loi Brottes "a un effet sur l'économie des contrats" qui doivent donc être modifiés.

Les grandes manoeuvres ont commencé. "Depuis mai-juin, les trois (Suez, Veolia et Saur, ndlr), à peu près en même temps, ont fait le tour de leurs collectivités", confirme Régis Taisne, chef-adjoint au département du cycle de l'eau à la FNCCR, fédération qui regroupe les collectivités chargées des services publics d'énergie, d'eau et d'environnement.

"En deux ou trois semaines, on a eu une dizaine de retours de collectivités qui nous envoyaient des copies de propositions d'avenant" aux contrats, en se demandant quoi faire, ajoute-t-il.

Si personne chez Suez n'était disponible pour répondre aux questions de l'AFP, le PDG de Veolia, Antoine Frérot, assume: "Nous nous sommes rapprochés de nos clients". La loi "a pour conséquence une hausse des impayés, donc il faut la répartir sur l'ensemble des facturations. Nous demandons une adaptation du prix de l'eau, tenant compte de l'évolution des impayés".

Le 15 juin dernier, Jean-Marie Caramiaux, le maire d'Hersin Coupigny (Pas-de-Calais), a ainsi reçu un courrier de Veolia qui gère le service d'eau de sa commune de 6.000 habitants.

Dans la proposition d'avenant que l'AFP a pu consulter, un article "disait qu'ils allaient augmenter l'abonnement des usagers à hauteur en gros de 8 euros par an", raconte M. Caramiaux à l'AFP, et cela pour financer le coût du recouvrement de ces impayés supplémentaires.

Veolia propose en plus que la collectivité prenne en charge les impayés supérieurs au coût de leur recouvrement et que le prix de l'eau puisse être révisé régulièrement si les impayés augmentent trop fortement. Les élus d'Hersin ont rejeté ces aménagements.

- 'Au culot' -

Ces mesures ne sont "pas très conformes" au principe de la délégation de service public, juge M. Taisne.

"Le délégataire ne peut pas dire à la fois +je veux encaisser les bénéfices quand il y en a et je veux que les risques restent à la collectivité+", explique-t-il.

La FNCCR a donc envoyé une note à ses membres leur recommandant de ne rien signer trop vite.

"La première chose qu'on recommande c'est de demander des informations précises au délégataire: quelle est sa situation des impayés, comment est-elle évaluée ?", ajoute Régis Taisne.

"Aujourd'hui on a un mal de chien à récupérer des informations précises" insiste-t-il, mettant en avant "une pression forte" des opérateurs, qui "y vont au culot" avec l'argument "+tout le monde l'a déjà fait (signer les modifications de contrats), vous êtes les derniers+".

Le directeur de France Libertés dénonce lui une "volonté" des entreprises de "piéger les élus".

Un manque de transparence qualifié de "légendes urbaines" par Tristan Mathieu, qui assure que les entreprises répondent aux demandes des élus.

Mais la FNCCR juge également un peu rapide l'explication des opérateurs. Selon elle, "la croissance du nombre de factures en retard de paiement et aussi des montants impayés définitifs semble avoir été amorcée vers 2010, donc avant la loi Brottes".

Et d'évoquer plutôt "une conséquence de la crise économique qui a débuté en 2008" et du chômage qui augmente depuis.

Si collectivités et opérateurs ne parviennent pas à un accord, ces derniers pourraient porter l'affaire devant la justice.

"Nous ne l'excluons pas", mais "nous donnons le temps à la discussion de se faire", affirme le PDG de Veolia.

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