par Matthias Blamont
ARRAS, Pas-de-Calais (Reuters) - Le nombre de migrants qui se trouvent dans la "jungle" de Calais a presque doublé au cours des trois dernières semaines pour atteindre un chiffre proche de 6.000, a déclaré vendredi à Reuters la préfète du Pas-de-Calais, Fabienne Buccio.
Ce chiffre constitue selon elle une limite qu'il faut éviter de dépasser. La traversée de la Manche étant devenue quasi impossible, les migrants ont tendance à s'installer dans la durée.
"Avant l'été, on a franchi le seuil des 3.000 migrants", dit-elle. "Ça s'est stabilisé ensuite, de mai à septembre. Mais au cours des trois dernières semaines, le camp a presque doublé. On doit aujourd'hui être à un niveau proche de 6.000 personnes."
"C'est une situation qui s'impose à nous, qui évolue tout le temps et à laquelle nous devons nous adapter. Je ne suis pas capable de vous dire ce qui va se passer pour la suite mais 6.000, c'est un maximum", ajoute Fabienne Buccio.
Le préfet, qui assure "rechercher le juste équilibre entre le minimum humain, nécessaire à la dignité des personnes, et le respect des lois de la République", explique avoir mis à disposition des moyens pour accueillir ces migrants.
"Nous avons augmenté les prestations du centre Jules-Ferry (qui accueille femmes et enfants, NDLR), on a doublé les effectifs de la permanence médicale, créé un cabinet dentaire", détaille-t-elle.
"Une fois que les 1.500 places (promises par le gouvernement d'ici à la fin de l'année, NDLR) seront construites, nous verrons comment ce (nouveau camp) est accepté."
"AUCUNE FEMME ET AUCUN ENFANT DANS LE CAMP"
"Donc il faudra voir si ce camp se remplit bien et s'il y a lieu d'engager une seconde tranche (de 1.500 places supplémentaires). Nous ne sommes pas fermés à cela. L'Etat n'est pas fermé à faire plus", ajoute-t-elle.
Malgré les mesures prises par la préfecture, les conditions de vie sur place sont difficiles et l'hiver qui commence à s'installer n'est pas une bonne nouvelle pour ces migrants venus du Soudan, de Syrie, d'Erythrée ou d'Irak.
"J'ai reçu pour instruction du ministre de l'Intérieur la semaine dernière qu'il n'y ait aucune femme et aucun enfant dans le camp", dit-elle en évoquant ce que les médias ont baptisé la "jungle". "Nous allons donc installer de nouveaux 'modulaires' (tentes chauffées)."
"Pour les hommes, nous reprendrons ce que nous avions décidé l'an dernier dans le cadre du plan hiver, il y a un grand hangar proche du camp qui fait 4.500 mètres carrés au sol que nous diviserons en "chambrées" (de plusieurs places) et qu'une association équipera de lits", poursuit-elle.
"Cela dit, nous savons qu'ils n'iront dans ce lieu que si les conditions climatiques deviennent terribles. On ne quitte pas un emplacement dans le camp facilement car il peut être repris par quelqu'un d'autre", souligne le préfet.
Selon elle, la préfecture sera prête à faire face à l'urgence si les conditions devaient se dégrader: "En cas de grosse vague de froid, je peux réquisitionner un gymnase. Ça peut se décider en cinq minutes."
"D'AUTRES NE CHERCHENT MÊME PLUS À PASSER"
"S'il y a une épidémie de grippe, les migrants seront soignés", ajoute Fabienne Buccio.
Les images du camp ont poussé la préfecture à réagir et des habitants de la région ont proposé une aide parfois maladroite.
"Depuis la publication de l'image de l'enfant mort sur la plage, les dons ont afflué. Pas toujours de manière adaptée. Des gens, qui cherchent à se donner bonne conscience, arrivent en voiture et distribuent, sans passer par une association. On a eu des rixes. Les robes d'été, les talons hauts, ce n'est pas adapté", déplore Fabienne Buccio.
Les services de l'Etat tentent de faire face à l'urgence, selon le préfet, mais pas seulement: les rivages du Royaume-Uni se sont éloignés ces dernières semaines.
"Le passage vers le Royaume-Uni est devenu plus difficile. Nous avons encore eu un mort cette nuit. Ce qui porte à 16 le nombre de morts depuis la fin du mois de juin. Ce qui fait que certains se sédentarisent davantage", dit Fabienne Buccio.
"Lorsque j'ai pris mes fonctions en début d'année, on disait qu'il fallait en moyenne trois mois pour passer au Royaume-Uni. Actuellement, nous constatons que certains sont là depuis huit mois. D'autres ne cherchent même plus à passer."
"La demande d'asile explose. Nous sommes le département français qui enregistre le plus de demandes d'asiles: 2.100 depuis le début de l'année, contre moins de 900 en 2014. En 2013, c'était 300."
Calais, d'après Fabienne Buccio, n'est plus une escale parmi d'autres: "Il faut que les migrants et les passeurs comprennent que Calais est une voie sans issue. On ne passe plus (vers le Royaume-Uni), ou alors vous savez dans quelles conditions."
(Edité par Simon Carraud et Yves Clarisse)