La Banque centrale européenne doit annoncer jeudi une réduction de son imposant soutien à l'économie de la zone euro, qui lui a permis d'éviter de sombrer dans la crise, mais avec un atterrissage en douceur.
Réuni à Francfort, le conseil des gouverneurs doit discuter de la baisse d'intensité de son ambitieux programme mené depuis 2015, mêlant taux d'intérêt au plus bas et rachats de dette publique et privée pour injecter des liquidités dans le circuit monétaire.
Ces rachats effectués au rythme de 60 milliards d'euros par mois, appelés "quantitative easing" (QE), pourraient être nettement revus à la baisse après leur échéance prévue à fin décembre 2017.
Le scénario anticipé par une majorité d’investisseurs porte sur une baisse de moitié des montants à 30 milliards d’euros par mois à partir de janvier 2018, pour une durée de 9 mois.
En même temps, la BCE devrait se garder une marge de manœuvre pour procéder à un nouvel assouplissement si les choses devaient à nouveau tourner mal en zone euro. Ainsi que sa volonté de maintenir les taux au plus bas encore longtemps.
Ce cocktail d'annonces va intervenir alors que l'économie en zone euro enchaîne des chiffres encourageants de croissance et que le risque de déflation a été écarté, rendant moins impérieux l'emploi d'un lourd arsenal monétaire.
- Prudence de mise -
Annoncés à 11h45 GMT, les taux directeurs ne devraient pas bouger. Le principal taux de refinancement des banques, pour se procurer de l'argent frais, est appelé à être maintenu à zéro, tandis qu'elles vont devoir continuer à payer pour déposer auprès de la BCE des liquidités dont elles n'ont pas d'utilité immédiate (taux de dépôt jusqu'à -0,40%).
Le débat portera sur les opérations de rachats de dettes publiques et privées, autre moyen de soutenir l'activité économique.
Fin 2017, la BCE aura acheté pour près de 2.300 milliards d'euros d'obligations. Cela en fait le premier créancier des Etats de la zone euro, comme le rappelle souvent Jens Weidmann, président de la Banque fédérale allemande et farouche opposant de cette politique.
Mais pour la BCE, une jeune institution parmi les grandes banques centrales, la prudence est de mise au moment d'amorcer la sortie, afin de ne pas replonger la zone euro dans la crise.
"L'institut d'émission ne va pas vouloir causer un électrochoc mais plutôt tranquilliser les investisseurs en annonçant qu'elle va encore intervenir longtemps et de manière forte sur les marchés", déclare à l'AFP Sylvain Broyer, économiste chez Natixis.
Mario Draghi doit peser ses mots. La situation politique en zone euro reste tendue, avec la crise en Espagne et des élections à l'issue incertaine en Italie. Une fin trop brutale du soutien à l'économie pourrait faire ressurgir les craintes des investisseurs concernant la dette des pays fragiles.
- L'euro inquiète -
Le taux de change de l'euro jouera aussi un rôle important dans la discussion de la BCE. Mario Draghi a clairement indiqué que le risque d'un euro trop fort le préoccupait car il risque de limiter les exportations et donc de peser sur la croissance et l'inflation.
La monnaie unique s'est nettement reprise depuis le début de l'année face au billet vert, en valant à ce jour autour de 1,18 dollar.
Or, un "QE" réduit en taille limiterait la masse des euros en circulation, augmentant mécaniquement le cours de la monnaie unique. Ce serait alors un frein pour l'inflation, que le BCE a pour mission première de juguler, notamment parce que cela diminue le prix des importations avec des pays tiers.
A l'inverse, l'institution francfortoise prendra en compte la situation aux Etats-Unis, où les taux remontent et rendent les placements en dollars plus attractifs. Ce qui peut faire baisser l'euro.
"Le resserrement du crédit par la Réserve fédérale américaine, appelé à se poursuivre, donne plus de marge de manœuvre à la BCE pour continuer à lever le pied sur ses achats d'actifs", estime Sylvain Boyer.