PARIS (Reuters) - Le gouvernement a annoncé mercredi son intention de lancer une consultation publique auprès des Français sur la loi de moralisation de la vie publique, premier texte emblématique du quinquennat d'Emmanuel Macron.
Le ministre de la Justice, François Bayrou, a présenté dans un climat troublé par une série d'enquêtes judiciaires deux projets de loi, l'un organique, l'autre ordinaire, qui seront soumis fin juin au Sénat et à l'Assemblée nationale.
Un projet de révision constitutionnelle sera présenté dans un deuxième temps et comprendra d'autres dispositions que celles déjà annoncées par le ministre de la justice pour rétablir "la confiance dans l'action publique".
Un des objectifs est de faire en sorte qu'élus et ministres ne soient plus traités différemment des autres citoyens, par exemple en supprimant la Cour de justice de la République.
Cet ensemble de mesures vise aussi à prévenir les conflits d'intérêts, à mettre fin à des pratiques incompatibles avec la vie démocratique et à refondre le mode de financement des partis et de la vie politique.
Selon le porte-parole du gouvernement, parallèlement au projet de loi organique et ordinaire, un décret étendra au président de la République et aux ministres les dispositions interdisant aux élus de recruter des membres de leur famille.
"La décision a été prise ce matin qu'en parallèle du process législatif, peut-être même pour éclairer le process législatif, va être mise en place une consultation publique pour entendre les remarques des Français", a aussi dit Christophe Castaner.
L'idée est d'"avoir des contributions qui remontent de nos concitoyens sur ce sujet-là et qui permettront, je n'en doute pas, d'éclairer aussi la réflexion, les amendements, les discussions qui seront conduites par les parlementaires", a-t-il ajouté, lors du compte rendu du conseil des ministres.
François Bayrou maintient en revanche son projet de "banque de la démocratie", dont la mission serait d'accorder des prêts aux partis et à leurs candidats pour assurer un financement équitable, malgré les critiques émises par le Conseil d'Etat.
CLIMAT TROUBLÉ
Dans un avis émis lundi, l'assemblée générale du Conseil juge l’étude d’impact de cette disposition "beaucoup trop sommaire" et demande en quoi un tel établissement "serait nécessaire" pour garantir la transparence du financement de la vie politique, alors qu'un médiateur du crédit pour les candidats et les partis est prévu aux mêmes fins.
Ce médiateur serait chargé de faciliter l’accès des candidats et des partis politiques aux prêts accordés par les établissements de crédit.
Mais les textes présentés habilitent aussi le gouvernement à créer par ordonnance "une Banque de la démocratie, qui pourra être un établissement doté de la personnalité morale, être adossée à un établissement de crédit existant ou prendre la forme d’un mécanisme de financement spécifique."
Interrogé par RTL, François Bayrou a jugé ce dispositif "vital" pour la rénovation de la démocratie.
"Le Conseil d’État souhaite seulement une étude d’impact plus détaillée. Je défendrai bien entendu cette idée, réellement novatrice", renchérit-il dans une interview publiée par Le Monde. "Je trouve humiliant et sur le fond inacceptable que des banques privées aient droit de vie et de mort sur des mouvements politiques ou des campagnes."
Emmanuel Macron et François Bayrou ont fait de ces textes, censés mettre fin à des décennies de pratiques qui ont nourri le populisme et un sentiment du "tous pourris" en France, un emblème de leur alliance et de la promesse de renouvellement de la vie politique sur laquelle le chef de l'Etat a été élu.
La présentation de ce projet a priori consensuel a cependant été troublée par les soupçons d'emplois fictifs concernant des assistants parlementaires d'eurodéputés du MoDem, parti présidé par François Bayrou, et par des tensions avec la presse.
Ces tensions ont donné lieu au premier couac du quinquennat : un rappel à l'ordre du ministre de la Justice par le Premier ministre, Edouard Philippe. Mais Christophe Castaner a assuré que la situation était "pacifiée".
Pour la première fois depuis l'ouverture d'une enquête préliminaire sur le MoDem, le porte-parole du gouvernement a cependant évoqué la règle qui veut qu'un ministre mis en examen démissionne.
(Jean-Baptiste Vey, Marine Pennetier et Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)