par Gwénaëlle Barzic
PARIS (Reuters) - Le moteur de recherche français Qwant prévoit de tripler son chiffre d'affaires cette année puis la suivante, profitant de la préoccupation croissante des Européens pour la protection de leurs données personnelles.
Lancée en 2013, la société ambitionne de devenir une alternative européenne au géant américain Google (NASDAQ:GOOGL) avec la promesse de respecter la vie privé de ses utilisateurs : pas de traceur publicitaire "(cookie"), des algorithmes et des technologies d'indexation du web maison, des équipements et des serveurs basés en Europe.
Si Google reste le principal point d'entrée des recherches des Européens, le français a toutefois vu le nombre de visites sur son site grimper au fil des révélations sur des violations en masse de données privées.
Entre janvier et mai, période pendant laquelle un lanceur d'alerte a révélé que les données de 50 millions d'utilisateurs de Facebook (NASDAQ:FB) avaient été détournées au profit de Cambridge Analytica, le nombre de visiteurs uniques est passé de 48 à 70 millions par mois.
"Les données, c'est la nouvelle forme du pouvoir. Raison de plus pour imaginer un autre traitement des données. Je crois que Qwant ouvre la voie avec cela", a déclaré le ministre de l'Economie Bruno Le Maire à l'occasion d'une visite dans les nouveaux locaux du groupe à Paris.
"C'est une réponse pour moi à tous les sceptiques qui pensent que la France, l'Europe, ne sont pas en mesure de développer des outils digitaux de même niveau que ce qui se fait aujourd'hui aux Etats-Unis ou en Chine", a-t-il ajouté.
Le groupe, qui gagne de l'argent grâce à la publicité mais sans cibler ses utilisateurs, a réalisé l'an dernier un chiffre d'affaires de 3,5 millions d'euros mais pas de bénéfice.
GOOGLE, ENCORE LOIN DEVANT
Le groupe, qui emploie aujourd'hui plus de 160 personnes, vise pour cette année un chiffre d'affaires de plus de 10 millions d'euros, puis plus de 30 millions l'année suivante lors de laquelle il compte renouer avec la rentabilité, a expliqué à des journalistes son co-fondateur et président Eric Léandri.
En élargissant sa palette, la société ambitionne de bâtir un écosystème alternatif à celui bâti par Google même si la marche reste grande à franchir.
Sur l'ensemble de 2017, le total de requêtes sur Qwant a atteint 9,5 milliards, soit l'équivalent de trois jours pour Google qui compte parmi ses autres concurrents le russe Yandex, le chinois Baidu ou le coréen Naver.
Pour accélérer, Qwant, dont l'offre est disponible dans 28 langues, prévoit de multiplier ses services à partir de la puissance de calcul et des technologies qui font déjà fonctionner son moteur de recherche: carte, lecteur de musique, moyens de paiement, messagerie sécurisée, résultats sportifs, médecine, outils de gestion de crise.
Qwant, qui a pour actionnaires la Caisse des dépôt et consignations, le groupe de médias allemand Axel Springer (DE:SPRGn) et la Banque européenne d'investissement, a levé jusqu'à présent quelque 50 millions d'euros. Il n'exclut pas une nouvelle levée de fonds pour des montants qui pourraient représenter entre 100 et 200 millions.
(Gwénaëlle Barzic, édité par Jean-Michel Bélot)