par Leika Kihara
TOKYO (Reuters) - La Banque du Japon (BoJ) a maintenu vendredi sa politique monétaire en prenant toutefois des mesures pour rendre plus flexible sa politique de contrôle de la courbe des taux, une décision perçue comme un prélude à une éventuelle sortie du soutien monétaire ultra-accommodant et qui a envoyé une onde de choc sur les marchés financiers.
A l'issue de sa réunion de deux jours, la banque centrale a maintenu son objectif de taux d'intérêt à court terme à -0,1%.
Elle a aussi conservé sa politique de contrôle de la courbe (PCC) des taux, autorisant les rendements sur dix ans à fluctuer de 0,5% autour de l'objectif de zéro, mais précisant qu'il s'agissait de "références" plutôt que de "limites rigides".
La BOJ a déclaré qu'elle achèterait des souverains japonais à 10 ans à 1,0% dans le cadre de ses opérations sur les marchés obligataires, contre un rendement précédent de 0,5%, et a indiqué qu'elle tolérerait une hausse du rendement à 10 ans de jusqu'à 1,0%.
Kazuo Ueda, le gouverneur de la BOJ, a déclaré lors d'une conférence de presse que le changement était "préventif" et qu'il ne s'attendait pas à ce que le rendement à 10 ans atteigne 1%.
"En augmentant la limite supérieure des opérations à taux fixe à 1%, la BOJ a effectivement élargi la fourchette cible du rendement à 10 ans, ce qui permet à la banque centrale de guider plus facilement cet objectif", constate Naomi Muguruma, économiste senior chez Mitsubishi UFJ Morgan Stanley (NYSE:MS) Securities.
"En ce sens, il s'agit d'un mouvement furtif".
"AGILITÉ"
La banque centrale a déclaré que la modification de la PCC lui permettrait de réagir "avec agilité" aux risques, notamment à la hausse de l'inflation.
Toyoaki Nakamura, membre du conseil des gouverneurs de la BOJ, a exprimé son désaccord, estimant que si l'assouplissement de la PCC était souhaitable, la décision était prématurée.
L'annonce a secoué les marchés, certains investisseurs estimant que la BOJ préparait la fin de sa politique monétaire ultra accommodante.
"Les changements subtils dans la formulation suggèrent que la banque centrale se prépare, ou du moins qu'elle est ouverte, à une modification de sa PCC à une date ultérieure, à condition que les conditions soient favorables", a observé Carlos Casanova, économiste principal pour l'Asie chez UBP à Hong Kong.
Au cours d'une séance mouvementée, le yen s'est renforcé face au dollar, progressant de 0,23% à 139,64 yens pour un dollar à 07h52 GMT, tandis que le secteur des banques japonaises s'est envolé de 4,6%, contre une régression du Topix de 0,2% à la clôture.
Sur les marchés obligataires, le rendement des emprunts d'Etat japonais à dix ans progresse de 1,5 pb à 0,571%, son plus haut niveau depuis septembre 2014.
La décision de la BOJ a également dopé les taux européens, dont sont friands les investisseurs japonais: le rendement de l'OAT française à 10 ans grimpe de 7,8 pb à 3,07% et celui du Bund allemand de même échéance de 6,9 pb à 2,504%.
PATIENCE
Dans un communiqué annonçant sa décision, la BoJ a déclaré qu'atteindre de manière durable et stable l'objectif d'inflation de 2%, en parallèle d'une hausse des salaires, n'était pas encore en vue, ajoutant qu'il fallait faire montre de patience.
"En prenant compte du niveau extrêmement élevé d'incertitude pour les perspectives économiques et sur les prix, il est approprié de renforcer la viabilité de l'assouplissement monétaire dans le cadre actuel, en menant une politique de contrôle de la courbe des taux avec une plus grande flexibilité et en répondant avec agilité aux risques", a-t-elle dit.
Alors que l'inflation se situe bien au-dessus de l'objectif de 2% de la BoJ depuis plus d'un an, le gouverneur de la banque centrale, Kazuo Ueda, a promis de maintenir une politique ultra-accommodante tant qu'il ne sera pas convaincu que l'économie pourra faire face aux ventes contraires et permettre aux entreprises de continuer à relever les salaires l'an prochain.
La décision de la BoJ intervient deux jours après que la Réserve fédérale américaine (Fed) a décidé de relever ses taux d'intérêt, accentuant encore davantage l'écart des taux entre les Etats-Unis et le Japon.
(Reportage Leika Kihara et Tetsushi Kajimoto; version française Jean Terzian et Corentin Chappron, édité par Blandine Hénault)