►Toutes les mesures de l’emploi américain ont été bien plus solides qu’attendu. Les créations d’emplois ont accéléré à 254 milles, le taux de chômage baisse de façon inattendue à 4,1% et les salaires accélèrent à 4%. Ces mesures, qui se détérioraient rapidement cet été, sont, en septembre plus fortes que les niveaux que la Fed estime comme compatibles avec une inflation durablement stabilisée à 2%.
►Il ne faut jamais surréagir à une seule donnée mensuelle et les rapports emplois d’octobre pourraient être plus faibles à cause d’éléments temporaires (météo et grèves). Et elle ne change pas notre scénario central de ralentissement graduel du marché de l’emploi américain d’ici la fin de l’année. Mais ces données cassent la dynamique de détérioration rapide du marché de l’emploi qu’avaient indiqué les rapports emplois cet été. Cela réduit nettement les risques d’un ralentissement abrupt du marché du travail à court terme et augmente les chances de réaccélération de l’économie américaine l’année prochaine. Cela valide la baisse de notre probabilité de récession d’ici un an, que nous avons abaissé de 25% à 20% (la moyenne historique étant de 15%).
►Nous continuons d’anticiper que la Fed va baisser ses taux de 25pb en novembre et décembre, pour « recalibrer » sa politique monétaire vers un niveau moins mais toujours restrictif. Le marché s’est aligné avec nos anticipations de taux d’intérêt après les rapports emplois. Cela nous pousse à être neutres sur les obligations.
►Mais l’incertitude sur l’ampleur des baisses de taux pour l’année prochaine augmente. Notre scénario prévoit 4 baisses de taux de la Fed d’ici la fin de l’été prochain pour un taux terminal à 3,3%. Les risques étaient plutôt à la baisse par rapport à ce scénario jusqu’à présent et le marché avait intégré des taux qui baisseraient sous les 3% après la réunion de la Fed de septembre. Mais les rapports emplois montrent que le risque d’une plus grande persistance des pressions salariales et inflationnistes et d’un marché du travail qui resterait tendu sont toujours présents. Cela pourrait alors forcer la Fed à maintenir des taux plus élevés plus longtemps, un risque que le marché avait totalement écarté depuis l’été.
►Si la Fed pourrait être moins agressive dans ses baisses de taux, la BCE devrait l’être un peu plus qu’elle ne l’anticipait en septembre. C’est ce que suggère encore le gouverneur de la Banque de France Villeroy de Galhau ce week-end, qui ouvre la voie à une baisse de taux dès octobre. La moindre divergence entre la Fed et la BCE fait repasser l’EURUSD sous les 1,10 ce matin pour la première fois depuis 2 mois. Nous continuons de penser qu’un rebond durable de l’Euro n’est pas pour tout de suite.
►Les tensions au Moyen-Orient ont fait monter de plus de 7 dollars le baril de Brent la semaine dernière, à 78 dollars. Alors que les marchés avaient enlevé presque toute prime géopolitique sur le prix du pétrole, la voilà de retour, même si elle reste stable ce week-end. A ce stade, elle ne semble pas de nature de changer le cycle économique mondial, mais elle créée un nouveau risque pour le futur.
Etats-Unis : l’emploi accélère à un plus haut depuis 6 mois en septembre
Les créations d’emplois ont réaccéléré fortement aux Etats-Unis à 254 mille en septembre. A un plus haut depuis 6 mois, elles dépassent de plus de 100 mille les attentes et sont supérieures au niveau que l’on estime nécessaire pour maintenir le marché de l’emploi américain stable. De plus, le détail des rapports emplois confirme la solidité de demande d’emploi.
En effet, contrairement aux mois précédents, les créations d’emplois sont révisées nettement à la hausse pour les deux derniers mois, de 72 milles. Sur trois mois, les créations sont désormais de 185 mille en moyenne, ce qui indique un ralentissement seulement très graduel des créations d’emplois. Et la surprise vient de l’emploi privé, qui progresse de 223 milles en septembre.
Par ailleurs, l’enquête auprès des ménages confirme la hausse de l’emploi avec une augmentation de 430 milles emplois en septembre. C’est rassurant car cette enquête indiquait un marché de l’emploi plus faible que celle auprès des entreprises depuis un an. L’enquête de l’ADP (EPA:ADP) indique aussi plus de créations d’emplois privés en septembre que cet été, même si elles ne sont pas aussi élevées que dans les deux autres enquêtes (+143 milles)
Etats-Unis : le taux de chômage annule sa hausse de l’été
Le taux de chômage baisse de façon inattendue en septembre, de 4,2% à 4,1% (et même 4,05% sans arrondi). C’est son plus bas niveau depuis 4 mois, alors qu’il avait rapidement augmenté jusqu’à 4,3% en juillet. Cela laisse de la marge par rapport aux 4,4% que prévoyaient les membres de la Fed en septembre pour la fin de l’année.
Et le chômage baisse pour de bonnes raisons, c’est-à-dire grâce aux créations d’emplois, alors que le taux de participation et le chômage partiel restent stables en septembre.
Si l’on ajoute la hausse du taux d’emplois vacants en aout, il semble que le marché de l’emploi américain se stabilise après s’être rapidement rééquilibré depuis un an. Ainsi, le taux d’emplois vacants par chômeur est revenu à son niveau pré-Covid mais reste historiquement élevé, au-dessus de 1. Cela donne l’image d’un marché du travail qui n’est plus en surchauffe mais qui reste très solide.
Etats-Unis : Les salaires horaires réaccélèrent légèrement.
Enfin, les salaires horaires surprennent à la hausse pour le deuxième mois consécutif, en progressant de 0,4% sur le mois de septembre après 0,5% en aout. Du coup, la croissance annuelle du salaire horaire accélère de 3,9% à 4,0%, soit un plus haut depuis 4 mois.
Comme toujours, cette mesure des salaires horaires moyens est à prendre avec des pincettes puisqu’elle est impactée par des effets de composition importants et par la baisse des heures travaillées en septembre. Il faudra attendre la mesure des salaires calculée de la Fed d’Atlanta dans deux semaines pour avoir une vision plus précise de la dynamique des pressions salariales. Mais cette première donnée suggère que le ralentissement n’est pas aussi marqué qu’avant l’été.
La résistance des salaires est une bonne nouvelle pour le pouvoir d’achat des ménages, mais c’est un élément à suivre de près pour la Fed puisque la croissance des salaires est de nouveau un peu au-dessus du niveau que la Fed estime comme étant compatible avec une inflation stable à 2%.
Etats-Unis : Le PMI total (industrie et services) montre une stagnation de l’activité dans la zone, mais avec des grandes disparités
Même si les rapports emplois de septembre sont très solides, tout n’est pas parfait, et le scénario central reste celui d’un ralentissement graduel du marché de l’emploi américain.
La règle de Sahm, qui stipule que le risque de récession est élevé quand le taux de chômage lissé augmente de plus de 0,5% par rapport à son point bas récent, reste activée pour le troisième mois consécutif, même si elle est juste à la limite en septembre. Et les ménages indiquent que le marché du travail se détend assez rapidement encore en septembre d’après l’enquête du Conference Board.
Aussi, l’emploi intérimaire continue de diminuer et le nombre d’heures travaillées reste sur une trajectoire baissière, ce qui sont historiquement des signes de ralentissement du marché de l’emploi. Et concernant les salaires, le taux de démission est au plus bas depuis près de 10 ans, ce qui suggère que les salaires vont continuer de ralentir.
Au total, les chiffres d’emploi américain de septembre ne changent pas le scénario de ralentissement graduel du marché de l’emploi qui est revenu à l’équilibre mais ils réduisent fortement le risque de ralentissement abrupt des Etats-Unis à court terme. Et il augmente les chances que l’économie américaine réaccélère plus nettement qu’attendu l’année prochaine, quand l’assouplissement des conditions financières de l’été et de possibles soutiens budgétaires supplémentaires se transmettront à l’économie.
Etats-Unis : Le marché s’aligne sur notre scénario de baisses de taux de la Fed
Après ses rapport emplois, les chances que la Fed baisse de nouveau ses taux de 50pb en novembre sont quasi nulles. Le marché s’est aligné sur notre scénario de baisse de 25pb des taux en novembre et décembre, alors qu’il anticipait 75pb de baisse de taux avant les rapports emplois.
Le marché pourrait même commencer à se demander si la Fed va continuer de baisser ses taux lors de chacune des prochaines réunions, à commencer par celle de novembre. Surtout si les chiffres d’inflation publiés cette semaine surprennent de nouveau à la hausse et que les minutes de la Fed montrent qu’une majorité des membres de la Fed sont plus prudents que Powell quant aux baisses de taux futures.
Cela dit, nous pensons que le taux de la Fed est encore suffisamment élevé (i.e. restrictif) et que la désinflation est suffisamment marquée fin 2024 pour que la Fed continue de baisser ses taux comme indiqué dans le dot-plot d’ici la fin de l’année.
En revanche, le risque sur notre scénario de taux directeur de la Fed pour l’année prochaine devient plus équilibré, alors qu’il était clairement orienté à la baisse récemment. Nous pensons toujours que la Fed va ramener son taux vers 3,25/3,5% d’ici le milieu de l’année prochaine, ce qui est également le scénario du marché désormais. Mais si une désinflation plus rapide l’année prochaine et une poursuite de l’affaiblissement du marché du travail pour favoriser un taux terminal plus bas, une stabilisation voire une réaccélération du marché de l’emploi et un arrêt de la désinflation l’année prochaine pourraient forcer la Fed à maintenir des taux plus élevés plus longtemps. Ce risque avait disparu des radars des marchés, mais il doit désormais de nouveau être pris en compte.
Xavier Chapard, Stratégiste
►L’emploi américain a été beaucoup plus solide qu’attendu en septembre, ce qui implique que la Fed va très certainement réduire la taille de ses baisses de taux de 50pb en septembre à 25pb lors de ses prochaines réunions, comme nous l’anticipions. Alors que le marché (et la Fed) débattait les probabilités entre un scénario d’atterrissage en douceur et celui d’une récession, le scénario d’absence d’atterrissage dans lequel les pressions inflationnistes resteraient trop élevées revient sur les radars.