par Hideyuki Sano et Shinichi Saoshiro
TOKYO (Reuters) - La livre sterling et l'euro ont poursuivi leur recul lundi sur les marchés financiers en Asie et en Europe, dont les Bourses ont comme prévu ouvert en baisse mais avec des pertes relativement limitées, tandis que les places asiatiques ont bien résisté à la lame de fond du référendum britannique.
Après avoir plongé de plus de 10% face au dollar vendredi dans la journée et atteint son plus bas depuis 1985, la devise britannique avait fini à 1,3662 dollar vendredi soir à New York. Elle cédait encore lundi, vers 8h00 GMT, 2,15% à 1,3405 dollar malgré une intervention du ministre des Finances britannique avant l'ouverture des marchés européens.
La décision du Royaume-Uni de quitter l'Union européenne sera sans doute synonyme d'un regain de volatilité des marchés, mais l'économie est suffisamment solide pour affronter les défis qui se présentent, a dit George Osborne.
La devise britannique continue de reculer aussi face au yen, à 136,81 yens contre 139,64 vendredi, la devise japonaise jouant son rôle de valeur refuge, malgré les déclarations du Premier ministre japonais Shinzo Abe laissant planer la possibilité d'une intervention pour stabiliser la devise nippone.
"(La livre) pourrait encore chuter puisque la Banque d'Angleterre pourrait réduire ses taux d'intérêt afin de soutenir l'économie dans la foulée du Brexit", relève Junichi Ishikawa, analyste chez IG Securities à Tokyo.
Dans une note à ses clients, la banque d'affaires Goldman Sachs a estimé dimanche que la Grande-Bretagne était susceptible d'entrer en récession dans l'année et que la croissance mondiale va en être freinée.
L'euro est également sous pression, cédant 0,4% face au dollar autour de 1,1068 alors que le dollar avance de 0,4% face à un panier de devises de référence.
LE YUAN À UN CREUX DE 5 ANS ET DEMI
Le yuan chinois est tombé de son côté à son plus bas niveau en cinq ans et demi face au billet vert, la banque centrale chinoise ayant décidé de tolérer un affaiblissement de sa monnaie après le "Brexit" en abaissant fortement son cours pivot et en s'abstenant d'intervenir sur le marché des changes.
La Banque populaire de Chine a revu en baisse son cours pivot pour le yuan à 6,6375 pour un dollar, en retrait de 0,9% par rapport à son taux précédent qui était à 6.5776.
"L'attention se focalise désormais sur l'Europe, où un Brexit pourrait provoquer un effet domino sur des Etats voulant à leur tour quitter l'Union. Même si cela a déjà été débattu, la préoccupation principale sur le marché monétaire, c'est l'incertitude politique européenne qui aboutirait à une paralysie des politiques monétaires et budgétaires", ajoute Junichi Ishikawa.
La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, qui s'exprimait dimanche lors d'un colloque à Aspen, a confirmé que la réaction des marchés dépendait désormais des mesures que prendront les dirigeants britanniques et européens pour gérer le divorce et limiter l'incertitude qui en découle.
Les élections législatives qui avaient lieu dimanche en Espagne, pour la seconde fois en six mois, n'ont toujours pas permis de dégager de majorité évidente pour le pays, ajoutant à l'incertitude politique sur le Vieux Continent.
La Bourse de Tokyo, qui avait pris de plein fouet l'annonce de la victoire du camp du "Out" dans la nuit de jeudi à vendredi et clôturé la dernière séance de la semaine sur une chute de 7,92%, est en revanche repassée franchement dans le vert.
STABILISER LES MARCHÉS
Après avoir ouvert sur une hausse de 1,34%, l'indice Nikkei a poursuivi sa progression et terminé en hausse de 2,39%, soit de 357,19 points, à 15.309,21, et le Topix, plus large, a pris 21,28 points (+1,77%) à 1.225,76 points.
Les actions chinoises, qui s'étaient modérément repliées vendredi, sont également en hausse, l'indice CSI 300 et l'indice composite de Shanghai Composite ayant gagné respectivement 1,41% et 1,44% en clôture.
Les autres places boursières de la région ont été en difficulté mais se sont stabilisées. L'indice MSCI de la région Asie-Pacifique hors Japon, ne cédant plus que 0,07%.
"L'impact direct du Brexit sur la Chine est limité dans la mesure où le marché des capitaux chinois n'est pas totalement ouvert", a dit Wu Kan (Shanshan Finance). Mais à plus long terme, il faudra réexaminer la question, ajoute-t-il.
Pour Nomura, l'impact est bien là: l'intermédiaire a abaissé sa prévision de croissance de la Chine, la ramenant de 6,2% à 6,0% cette année, évoquant en particulier les répercussions du Brexit sur les exportations vers l'Europe.
Un week-end a passé depuis l'annonce choc des résultats du référendum britannique, et de nombreuses questions restent sans réponse sur l'impact d'un Brexit sur les économies britannique et européennes, sur les modalités du divorce à venir et sur les initiatives que prendront les dirigeants européens face au risque de dislocation de l'ensemble communautaire.
Le Brexit "a montré son impact sur le marché international et a accru les incertitudes sur l'économie mondiale", a déclaré lundi le Premier ministre chinois Li Keqiang.
Les banquiers centraux ont promis au cours du week-end de faire tout ce qui serait en leur pouvoir pour contenir la volatilité des marchés financiers.
Le Premier ministre japonais Shinzo Abe, qui a réuni son gouvernement et la Banque du Japon, a demandé lundi de suivre le marché des changes "de plus près que jamais" et de prendre des mesures si nécessaire.
"Des risques et des incertitudes demeurent sur les marchés financiers", a-t-il dit. "Il nous faut continuer à travailler en vue d'une stabilité des marchés."
Dans la seule journée de vendredi, quelque 2.000 milliards de dollars se sont envolés en valeur sur les marchés mondiaux.
A Séoul, la présidente Park Geun-hye a déclaré lundi que toutes les mesures disponibles devaient être activées pour stabiliser les marchés et minimiser les retombées du vote britannique.
(avec David Lawder à Washington, Ayai Tomisawa à Tokyo, Bureaux de Shanghaï, Lu Jianxin, Julie Carriat, Henri-Pierre André et Juliette Rouillon pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)