Publié à l'origine sur la Bourse au quotidien.fr
Le mois de janvier s’est donc terminé dans le rouge à Wall Street, avec un S&P500 qui a terminé en repli de 0,2%. Tout s’est en fait joué au cours de la dernière heure puisqu’à 21h00, l’indice élargi américain préservait encore le palier des 3 231 points. Le Nasdaq et le Nasdaq 100 ont en revanche engrangé respectivement 2% pour le premier et 3% pour le second, avec des « technos » et des « GAFAM » qui ont continué de creuser l’écart par rapport au Dow Jones, lequel a reculé de 1% sur la période.
Quant à l’EuroStoxx50, au CAC40 et au Footsie100, ils ont cédé respectivement 2,7, 2,9 et 3,4% au moment du relevé des compteurs vendredi. Pour autant, les principales places européennes ont mieux tenu le choc que leurs homologues asiatiques. Kuala Lumpur a ainsi perdu 3,6% le mois dernier, Séoul et Taïwan 4,7%, Hong Kong 6,7%, Manille 8,1% et Bangkok 8,9%.
Le coronavirus pèse bien sûr lourdement et son épicentre, la Chine, vient de connaître l’une de ses semaines les plus déprimantes au XXIème siècle, le pays ayant été à l’arrêt, et les Bourses de Shanghai et de Shenzhen ayant été placées sous perfusion par Pékin.
Une perfusion impressionnante qui émane de la PBOC, la banque centrale chinoise, qui serait disposée à injecter l’équivalent de 175Mds$ pour éviter un chaos boursier, alors que Shanghai a pris congé il y a dix jours sur un repli annuel de 2,4% (NB : pour le CSI-100, « l’addition » se montait déjà à -3,8%).
Puisque les Bourses chinoises étaient fermées, le meilleur « proxi » de l’activité dans l’Empire du Milieu a quelque chose à nous dire: le cuivre (indicateur avancé de la croissance) a enchaîné 12 séances consécutives de baisse pour retracer son plancher d’août 2019 (5 620$ la tonne) et surtout juin 2017.
De son côté, le baril de WTI a dévissé de 15,5% depuis le 1er janvier pour s’enfoncer sous les 51,5 $ à New York. La rupture du plancher crucial des 51$ semble désormais imminente et le gaz naturel n’est pas mieux loti, avec une baisse de 16% à compter du début de l’année.
Donald Trump a gâché l’ambiance
Pour autant, en dépit de tous ces signaux d’alerte pré-récessionnistes, Wall Street semblait encore en capacité de résister à tout jeudi soir, porté par les bons comptes trimestriels de valeurs de premier plan comme Apple (NASDAQ:AAPL), Microsoft (NASDAQ:MSFT), Tesla (NASDAQ:TSLA), Amazon…). L’espoir d’une résilience inexpugnable subsistait encore ce vendredi à l’ouverture des marchés américains, avec un repli anodin, mais Donald Trump a plombé l’ambiance en déclarant que la situation épidémique était sérieuse.
La « sortie » présidentielle est venue s’ajouter aux annonces de suspension des vols vers la Chine de Delta Airlines, American Airlines et United Airlines, alors que le coronavirus “2019-nCoV” a déjà tué près de 300 personnes en Chine et que la barre des 15 000 contaminés a été franchie ce week-end… selon les chiffres officiels chinois, qui suscitent beaucoup de scepticisme.
Si Wall Street n’a pas cédé à la panique, le « VIX » a néanmoins bondi de 21,7% à 18,85 points, ce qui donne une idée de la nervosité ambiante. A contrario, la conférence des consommateurs américains, que mesure l’Université du Michigan, paraît inébranlable puisqu’elle a progressé de 0,5 point en données séquentielles à 99,8 points le mois dernier, alors que les économistes anticipaient un léger recul à 99,1 points.
Mais que pèsent les signaux conjoncturels négatifs et la mise en quarantaine de 60 millions de Chinois (et une traque surréaliste de 5 millions de citoyens originaires de Wuhan qui se sont disséminés sur le territoire chinois, comme chaque année, au moment des fêtes du Nouvel An) face à l’enchaînement des records boursiers au cours des trois premières semaines de l’année 2020 ?
Et comme si la hausse des actions ne suffisait pas, les détenteurs de Bons du Trésor ont également vécu un début d’année en fanfare avec une belle détente des taux du 1er au 25 janvier, laquelle s’est transformée en véritable flambée la semaine dernière avec une montée de l’aversion au risque.
Les T-Bonds ont vu leur rendement se détendre symétriquement de 7,5 points vendredi (ils ont fini sous les 1,505%), soit un repli de 18 points de rendement sur la semaine écoulée et un plus bas depuis fin août/début septembre.
Le « 30 ans » a quant à lui rebasculé sous les 2% pour la troisième fois de l’histoire, la troisième fois en six mois, et plus encore la courbe des taux s’est encore inversée avec un « 10 ans » qui est venu tutoyer les 1,5%, tandis que le « 3 mois » et le « 6 mois » affichent respectivement 1,556 et 1,536%.
Les voyants budgétaires, conjoncturels, géopolitiques ont beau clignoter au rouge les uns après les autres depuis le 3 janvier dernier, Wall Street s’est à chaque fois comporté comme si les vents contraires allaient, par la magie des banques centrales, faire surgir des rafales de liquidités capables de porter l’économie vers des horizons radieux.
Optimisme béat ou aveuglement effarant ? Nous n’allons pas tarder à être fixés si Pékin ne parvient pas à contenir le coronavirus et la débandade des marchés chinois.